> Critiques > Labellisés



25 (années de carrière), 22 (titres), 6 (albums), 3 (membres), et le numéro complémentaire 2 (cds). Une suite de chiffres qui dit bien mieux qu’un ensemble de phrases la place qu’occupent les Finlandais de 22 Pistepirkko dans notre espace musical. Une progression de nombres qui rappelle aussi ironiquement que P-K, Espe et Asko patientent encore dans l’attente du premier prix de la loterie rock. Un premier prix plus que mérité à l’écoute de leur double album, Drops & Kicks (Vicious Circle), merveille de drugstore sonore qui pratique un commerce de détails rock dépravé (" Midnight Owl ", " Rat King ", " One Man Down "), pop dissolue (" Second Thoughts ", " I Knew ") ou complaintes amères (" Horses & Cards " et le countrysant " I Left My Baby "). Ce sixième effort admirable du trio d’Utajärvi révise sans contrainte ni cadre les chapitres acoustiques, électriques débridés ou encore électro licencieuse de leur manuel d’histoire du rock aux pages cornées à Neil Young ou les Ramones. Un manuel que semblent parfaitement maîtriser les jeunots du Youth Group qui rendent avec Skeleton Jar une copie indie pop soignée quoiqu’un poil trop déférente (comprenez lisse). La deuxième livraison des Australiens conduits par Toby Martin et signés sur Epitaph laisse la part belle aux guitares plaintives et fébriles. L’album débute d’ailleurs par le morceau le plus convaincant "Shadowland " sur lequel une batterie métronomique discipline un motif de guitare cristallin avant de lui lâcher la bride pour une fin de morceau aux allures de furia électrique. Suivent dix autres titres jouissifs (la chanson-titre " Skeleton Jar ", " Someone Else’s Dream " dans la veine " morceau enlevé qui impose la reddition " du titre introductif) ou moins essentiels (" See-Saw " plombé par son caractère sirupeux marqué, " Last Quarter " ballade mid-tempo avec explosion de guitares convenue). Un album pourtant le plus souvent concluant et qui permet de lever le voile sur une partie de la scène alternative australienne. De l’Australie, les cinq bikers de The Lords Of Altamont ne retiennent sans doute que la Foster ou la Cooper, éclusées par barriques lors de leurs multiples passages dans tout ce que Los Angeles comptent de clubs rocks. Lords Have Mercy (Fargo) prend la suite du déjà remarqué To Hell With The Lords Of Altamont paru sur Sympathy For The Record Industry en 2002 et invitent l’auditeur à se laisser fouetter les couilles durant plus de trente-cinq minutes avec un martinet à lanières Stooges, MC5 ou Steppenwolf. Les Hollywoodiens emmenés par Jack " Preacher " Cavaliere livrent ainsi dix titres rocks auxquels ils accolent à l’envie les épithètes garage, punk ou hard. Energisant et percutant. Qu’attendre d’autre de la part d’un groupe né des cendres des Fuzztones, des Cramps et des Bomboras, qui tient son nom d’un concert funeste des Rolling Stones et dont les membres se choisissent des pseudonymes idoines (l’un des guitaristes s’identifie comme Shawn " Sonic " Medina et le batteur se fait appeler " Baron Von Ludwig ") ? Au total, une virée gentiment SM des plus plaisantes. Les futes en cuir en moins mais la jeunesse en plus, les Subways rivalisent avec le quintette mentionné plus haut sur le plan de la débauche électrique. Rapidement bombardé énième next big thing par le NME, le trio londonien pourrait consécutivement agacer l’auditeur à qui on ne la fait plus. Seulement voilà, le premier effort du groupe de Billy Lunn, Young For Eternity (City Pavement/Infectious/ Warner) ne mérite pas qu’on s’en détourne. Mieux, il parvient par instants à nous persuader de la légitimité du buzz qui précéda sa sortie. Prenez le titre " Rock & Roll Queen " qui orchestre à nouveau le tour de passe-passe " rien dans la tête, tout dans les reins " élaboré par les Vines à l’époque de " Get Free ". Paroles concons ("You Are The Sun/You Are The Only One ", le genre de phrases rapidement griffonnées au plume turquoise à côté de " T’es ma meilleure copine, ma petite sœur, change pas " dans le cahier texte de votre adolescente de cousine), structure éculée mais véritable moment de jouissance rock qui vous garantira des heures entières d’air guitar. En tant que futur trentenaire on chérit ces moments d’oublis de soi inestimables. Le single " Oh Yeah " opère de la même manière : sur un mode gentiment punk, la voix de Lunn se voit secondée par celle d’une Charlotte Cooper mutine qui sauve cette explosion sonore de moins de trois minutes du cliché. A cette liste de titres décomplexés, frais et honnêtes on ajouterait " Mary " ou " No Goodbyes " deux ballades up-tempo finaudes qui laissent entrevoir que les jeunots de Subways se refusent à coller aux lieux communs du rock volume à 12 et hurlements bêtas. Dès lors si Young For Eternity reste inégal (quelques titres nous renvoient à une cour de lycée un jour de fête de la musique, " Lines Of Light " en tête), rien ne nous autorise à conseiller aux Londoniens de se trouver un coin chaud dans le métro pour pratiquer un peu, moyennement ticket-restaurants ou pièces jaunes. Des Warmer Corners (Fortuna Pop !) d’ailleurs explorés par les popeux de Lucksmiths. Les cousins australiens de Belle And Sebastian rendent compte avec ce septième album studio d’un savoir-faire mélodique à son paroxysme. Il se peut alors qu’on touche ici de l’oreille leur meilleur album. Une supposition qui trouve confirmation à l’écoute de l’introductif " A Hiccup In Your Happiness ", évocation d’une rupture amoureuse sur le point d’être consommée. La voix chaude et chargée d’émotions de Tali White rapidement emportée par un mouvement de cordes et de cuivres domine un morceau aux propos doux-amères. On comprend alors que depuis dix ans The Lucksmiths affûtent la lame d’un song-writing pop intelligent et subtil servi par une instrumentation large d’esprit et une écriture lettrée très sourire en coin. Warmer Corners enchante par l’évidence mélodique des douze titres qui le composent. D’un " The Music Next Door " terrassant de finesse harmonique à un " The Chapter In Your Life Entitled San Francisco " point d’orgue de l’album où les cordes organisent à l’arrière-plan leur révolution silencieuse, l’auditeur évolue dans la sphère ouatée d’une musique pour gourmets de la pop. Des gourmets qui trouveront avec le troisième long format de The Montgolfier Brothers matière à poursuivre leur exploration des plaisirs de la chair. All My Bad Thoughts (Vespertine & Son) impose en effet la position assise. D’abord pour parer la chute probable de l’auditeur pantelant devant tant de grâce mélodique. Ensuite pour apprécier au mieux les près de cinquante minutes de ce voyage sans retour. On vous épargnera les jeux de mots éculés sur les frères Montgolfier. Remarquons simplement que Mark Tranmer et Roger Quigley atteignent des hauteurs fréquentées par Michael Nyman ou Michel Legrand. Une stratosphère animée de dix rouleaux nuageux et moelleux. Le propos aigrelet peut bien osciller entre l’observation au microscope des rapports humains ou, nouveauté, la métamorphose de la ville natale de Quigley, l’auditeur trouvera toujours refuge auprès de titres anxiolytiques comme " Sins & Omissions " caressant ou "Koffee Pot " long balancement musical qui touche au cœur. Une merveille semble en appeler une autre en cette période automnale. FatCat nous gratifie en effet de rien moins qu’un chef d’œuvre. Le Christ pantocrator de Cefalù ou l’Alcazar de Séville, mais en notes. Autre qualificatif ne conviendrait pas en effet pour évoquer Lookaftering, deuxième LP de la délicieuse Vashti Bunyan. Délestée de l’étiquette de " nouvelle Marianne Faithful " ou de " Dylan au féminin " que les mid-60s lui collèrent et en paix avec les démons de l’industrie musicale qui la malmenèrent, l’artiste désormais basée à Edimbourg rend compte en onze titres d’une beauté désarmante, de 35 ans de la vie d’une femme du voyage. Lookaftering ne tient en rien de la volonté de capitaliser sur la redécouverte de son just Another Diamond Day par la jeune garde du folk des années 00. La présence des Newsom, Banhart ou Barker (Espers) tiendrait même de l’anecdote tant la voix de Bunyan seule fascine. Une voix magnifiée par quelques arpèges de guitare acoustique, quelques notes de piano ou une instrumentation parfois plus étoffée qui convoque Rhodes, cor, flûte, harpe, cordes…, et la production admirable de Max Richter qui collabore également aux arrangements. " Lately ", parfait exercice de suspension du temps, " Same But Different " ou encore " Feet Of Clay ", petite ritournelle pour un orchestre de chambre de l’intime, constituent autant de titres qui tiendraient en extase tout auditeur durant les 35 prochaines années. On souhaite cependant des nouvelles moins épisodiques de Bunyan et on la rêve parfois à nos côtés formulant la proposition suivante " Would You Like Me To Sing A Song For You ? . " Sing A Song For You " autre titre d’une gloire des 60s, Tim Buckley, revenu d’entre les morts son fils à la main par la voix des Magic Numbers, de Micah P Hinson ou de Sufjan Stevens notamment sur l’admirable compilation Dream Brother : The Songs Of Tim & Jeff Buckley parue sur Full Time Hobby. Une entreprise qui aurait pu se révéler vaine si les artistes présents sur les treize titres de ce tribute album n’avaient pris soin de se départir de leur déférence à l’égard des deux mythes. Chacun s’emploie à recomposer les morceaux du père ou du fils pour mieux retrouver la science de l’arrangement de l’un et l’intensité de la musique de l’autre sans sombrer dans le plagiat stérile. La relecture de " She Is " (Tim Buckley) par Sufjan Stevens emporte l’adhésion et celle de " Grace ", devenue ballade folk décharnée, par King Creosote ébranle. Une compilation qui vaut surtout pour le titre réinterprété par Micah P Hinson " Yard Of Blonde Girls " tout en progression concentrique et circonvolutions de guitare et (semble-t-il) mandoline. Délicieux moment d’apaisante mélancolie comme en offre également l’album de David Karsten Daniels édité par Bu Hanan, label américain qui accueille en outre The Prayers And Tears Of Arthur Digby Sellers présent sur notre volume 8. Avec Angles, David Karsten Daniels mène une analyse à portée universelle sur la déliquescence d’une relation amoureuse. Rien de véritablement neuf certes mais la manière dont l’artiste s’ouvre à nous sans retenue touche au cœur et… au foie. On reste en effet le souffle coupé à l’écoute de ses onze titres exigeants. L’écoute d’Angles coûte, en effet. Et l’on s’en extirpe vaguement triste mais nettement ébranlé. David Karsten Daniels travaille une écriture folk classique pour mieux l’ajuster à son propos. Il s’autorise ainsi excursions expérimentales ou bruitistes et tord le fil de ses idées mélodiques. Un peu comme si l’on étudiait l’effet du visionnage d’un film retraçant les moments douloureux de leurs vies respectives sur la musique de Neil Young, Will Oldham ou Wilco. Pas franchement un moment de déconnade débridée, Angles n’en devient pour autant pas un exercice d’auto-apitoiement pénible. On conseillerait cependant bien à DKD de frotter son spleen aux spliffs des hip-hopers de la compilation Future Sound Of Hip-Hop (Wagram). Désireuse de signifier au péquin moyen -groupe auquel je m’inclus sans le moindre doute- que le hip-hop ne reste pas enchristé à l’ère Prince de Bel Air et que les gimmicks à deux sous du type " Yo Bro tape m’en cinq ! " n’existent plus que dans les mises en scène kameloualienne du vendredi soir, cette compilation réussie dresse un tableau des jeunes turcs britanniques, américains et français héritiers du spoken word. Parfaitement inculte en la matière, je ne débattrai pas sur les nuances subtiles qui distinguent le UK Garage, du Break Beat ou du Grime mais évoquerai plutôt le plaisir pris à l’écoute de ses artisans. L’inusable " Fit But You Know It " subit ici les assauts combinés de Kano ou Lady Sovereign par exemple et l’on imagine les dents acérées derrière les sourires de façade. Sur un beat aussi squelettique que le mannequin Twiggy, Dizzee Rascal passe son flow toile émeri sur nos peaux fragiles de fils de bonne famille (" Fix Up Look Sharp "). A peine remis de ce dépucelage rythmico-dermatologique, on trouve pourtant la force de parcourir le " Catalogue " imaginé par TTC. Premiers représentants français de cette compilation, ils ouvrent la voie à La Caution ou Gravité Zéro qui en remontrent au Danger Mouse, Prefuse 73 et autres Beans. Au total, près d’une heure de mise à la page hip-hop. Idéal pour recoller au peloton et évoquer comme si on en connaissait les plus obscurs artisans, cette scène alternative. Me reste plus qu’à me débarrasser de mon baggy Benebi pour avoir l’air moins con..

Portfolio




 autres albums


aucune chronique du même artiste.

 interviews


aucune interview pour cet artiste.

 spéciales


aucune spéciale pour cet artiste.