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Avec un père inventeur de la table de mixage moderne et une mère assistante personnelle de Frank Sinatra, Jim Putnam a certainement une interprétation particulière du mot ’légende’.

De quoi relativiser quand on lui attribue ce statut, quoiqu’il soit en partie justifié : son premier album avec les Radar Brothers est sorti dans un espace-temps idéal (Etats-Unis, années 1990) pour le mettre aux premières loges d’une scène effectivement devenue mythique. Bill Callahan, les soeurs Deal, David Freel... Putnam les connaît par coeur.

Mais il y a un malentendu. Malgré un bel article des Inrockuptibles paru en 1996 (http://alturl.com/dmbdj) où Beauvallet décrivait leur musique comme "délicieusement confortable", on a tendance à rattacher la musique, certes lente et contemplative en général, au slow-core des Red House Painters et autres Low ; or, la musique de Radar Brothers n’est pas triste.

Les chansons en accords mineurs écrites par Jim Putnam doivent se compter sur les doigts de la main. La légère saudade qu’entraîne une écoute de ses albums (n’importe lequel : zéro faute de goût dans la discographie exemplaire des Américains) est plutôt à rapprocher du Pink Floyd d’une certaine époque (http://youtu.be/PGwPSPIhohk). C’est ample, ça pèse ses notes, mais ça ne chiale jamais.

Eight ne déroge pas. Au contraire, les Radar Brothers y accélèrent encore à l’occasion le tempo, déjà accentué après le changement de personnel opéré par Putnam sur le magnifique Illustrated Gardens, leur disque précédent. Eight est même souvent un disque bruyant. La jouissive Reflections rappelle ainsi que les premières amours de Putnam, avant de se lancer dans la musique affalée sur un sofa, furent le groupe Medicine, fort inspiré par My Bloody Valentine (https://www.youtube.com/watch?v=96qQ6y_QpIc).

Et pour cause : le format trio n’est plus (mais il était déjà une illusion, Putnam ajoutant de nombreux claviers en studio). C’est désormais à six que le groupe se meut, se donne du mouvement, s’émeut. Avec ces nouveaux guitaristes et claviéristes de talent, il y a de quoi s’amuser - c’est ce qu’ils font, et c’est contagieux. On entend clairement les sourires dans une chanson comme Disappearer et son épique final. Le jeu du batteur n’y est pas étranger : là où l’excellent batteur de la vie précédente des Radar Brothers allait chercher systématiquement le groove au fond du temps, Stevie Treichel bastonne à la moindre occasion qui lui est donnée, comme si sa vie en dépendait.

Ce qui brise le coeur, c’est qu’effectivement, une vie en dépendait. Celle (au moins musicale) de Jim Putnam, qui était dans un état limite au moment de l’enregistrement de Eight. Il y a des périodes comme ça. Dure réalité économique (moins de 1000 exemplaires de The Illustrated Garden vendus aux Etats-Unis, annulation d’une tournée européenne faute de finances), mort d’un chien tant aimé qu’on a écrit des chansons sur lui, séparation d’un couple qui s’était construit pendant une dizaine d’années.

L’enthousiasme du groupe soudé et joueur qui pousse derrière Jim n’est donc pas anecdotique : il s’agit de la bande son d’un groupe d’humains en train de contribuer à sauver l’un des musiciens les plus admirables du monde.




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