Découvert en session video pour Froggy’s Delight, That Obscure Object Of Desire (TOOOD) m’a tout de suite fait forte impression par l’alliance de fragilité et de force qui passe à l’écran. Fragilité, par leur apparence juvénile et leur économie de moyens : un garçon, aux machines, et une fille, qui chante, formule qu’on a pas vue si souvent par ici (Kas Product, et puis ?...). Force, par la maturité de leur musique et par leur volonté de ne pas trop en faire, l’absence de mise en scène, l’envie de faire reposer leur séduction sur la musique, et elle seule. Cette capacité rare à maintenir intacte la fragilité quand on présente une telle force est tout simplement la marque du talent. Le duo a de suite été rangé sous "groupes à suivre", celui dans lequel apparaissent les projets en attente d’un premier album comme ceux qui doivent confirmer une première sortie réussie.
Quelques mois d’attente, et « Honestly » arrive finalement en mai sur leur propre label, 5 titres dont « Honestly » et « Heart is just a piece of meat » qui ont fait l’objet de la session que j’avais vue et qui sont placés en ouverture du disque. L’EP se situe dans une veine triphop et électro, au charme vénéneux, sombre mais pas noir, textes désabusés et ironie mordante. La production est riche, profonde, mélant sons purement électroniques et samples acoustiques qui circulent dans la stéréo. Peu de nouveautés dans les arrangements sur les deux titres que je connaissais déjà, le travail de Laurent Morelli et Astrid Penny K étant déjà suffisamment fouillé à l’origine pour que le groupe puisse se permettre de passer en studio poser sur bandes leur musique dans une version très proche du live. Ce parti-pris de fidélité aux prestations du groupe se retrouve sur la voix, délivrée ici de façon brute, nimbée ici ou là de réverberation ou d’écho, mais avec une grande spontanéité. « Overload », troisième titre, a une approche plus proche d’une EMB à la Depeche Mode, plus rythmique, tout aussi excellent, alors que « Out of the gutter » est plus downtempo, grosses basses en avant, rythmique filtrée derrière, caisse claire perçant le mur des graves... La voix est ici plus distante, masqué par les nappes et accords synthétiques qui se déplacent latéralement. Le EP se termine par une reprise on ne peut plus risquée, le groupe s’attaquant au « Requiem pour un con » de Gainsbourg, monstre de production qui n’a pas vieilli d’une ride. That Obscure Object of Desire réussit sans flancher, passant pour l’occasion sur un chant en français et remplissant l’espace de cordes traitées en une mélopée orientalisante, sans perdre pour autant la rythmique si singulière du morceau d’origine.
« Honestly » est la carte de visite rêvée pour un groupe qui démarre sa carrière discographique : homogène sans être uniforme, spontané mais fouillé, une production de qualité et, surtout, d’excellentes chansons : « Honestly », « Heart is just a piece of meat » et « Overload » se détachent du lot et pourraient avoir une très belle carrière, notamment si les radios s’en emparaient, permettant au groupe de voir sa cote grimper en flèche. Ce serait pleinement mérité, tant ce duo fait forte impression.