Patrice Lecot : Les Rockomotives, c’est un festival qui vous plait ?
Fauve : Oui parce que déjà l’endroit est super et puis au niveau de l’affiche il y a des trucs comme Suuns qui sont vraiment cool et d’autres belles choses à entendre ici. De manière générale, c’est plus sympa d’arriver sur un festival parce que tu croises d’autres groupes et tu peux discuter, c’est toujours agréable. En plus tu vas jouer devant des personnes qui ne viennent pas du tout pour toi mais pour entendre un autre groupe. Ca fait à la fois un public plus objectif et en même temps uns sorte de plaisir un peu plus fort de rencontrer des gens.
PL : Depuis plus d’un an, vous êtes le groupe dont tout le monde parle. Les avis sont assez tranchés : soit on vous adore, soit on vous reproche de refaire la même chose que d’autres. Vous vous attendiez à cet accueil un peu acharné ?
Fauve : Pas du tout. En fait on ne s’attendait à aucun accueil, on ne s’attendait à rien. L’idée que beaucoup de monde puisse écouter Fauve ne nous ai même pas passé par la tête. On pensait que personne n’écouterait ce truc là à part nos proches et même qu’on fout un peu la mauvaise ambiance et qu’on fait pitié avec nos petites histoires de merde et que ça n’intéresse personne. Quand on a sorti notre premier morceau, on serrait un eu les fesses. Ca nous a vachement surpris que des gens puissent écouter ça et que le truc prenne une dimension qui sorte de notre périmètre. Ensuite, que les réactions soient assez polarisées, ça nous emmerde un peu parce qu’on n’aime pas l’idée de réactions hyper extrêmes dans un sens ou dans l’autre. Après ce n’est pas si vrai que ça parce que forcément ceux que t’entend le plus se sont les acharnés surtout avec internet. On ne ressent pas que les avis sont aussi tranchés dans la « vraie vie » et internet n’est pas le reflet de la vraie vie.
PL : Sur scène vous êtes 5 mais il y a aussi le « Fauvecorp » qui comprend plus de monde. Qu’est-ce qu’apporte chaque membre de ce corp ?
Fauve : C’est surtout des proches qui apportent des coups de mains précis sur tout ce qui touche Fauve. Ca peut être purement artistique mais aussi toucher le côté organisationnel ou administratif. C’est quelque chose qui s’est fait de manière naturelle mais qui est assez fort car ça se fait au feeling et par rapport à une vision de Fauve. C’est complètement informel, à partir du moment où tu as envie de participer en mettant la main à la pâte, tu en fais partie. On aurait été incapable de faire la moitié de ce qu’on a fait si on avait été que tous les 5. Dans le corp, chacun amène son énergie et ses idées. Il y a des comédiens, des graphistes, des vidéastes, des musiciens, des paroliers. Il y a aussi des amis qui nous aident à faire des T-Shirts parce qu’on a envie de garder le contrôle sur tout. C’est aussi pour ça qu’on ne veut pas se mettre en avant à 5 parce qu’on ne représente qu’une partie du travail de Fauve. C’est grâce au Corp qu’on peut se permettre de faire des choses sans label, et sans manager. On a juste un tourneur qui nous aide pour les concerts mais pour tout le reste on fait tout nous même. On part du principe que si il y a l’envie et la motivation, on y arrivera, on fera en sorte que ça marche. On n’est pas des bons musiciens, le mec qui fait les vidéos avec nous ce n’est pas le meilleur vidéaste de Paris, les mecs qui font les photos se ne sont pas les meilleurs photographes mais c’est pas grave parce qu’il y a juste l’envie de bien faire et ça nous suffit.
PL : Quand Fauve a commencé, chacun de vous travaillait à côté. Vous continuez ou vous avez carrément consacré votre vie à Fauve ?
Fauve : Certaines personnes continuent mais une petite partie, qu’on appelle le « noyau dur » (ceux qui sont sur scène) se consacre à plein temps à Fauve depuis quelques mois car on n’arrivait plus à assumer les 2. Les derniers mois où on avait encore un boulot à côté ont été les mois les plus difficiles de nos vies. Il y a eu trois semaines à un mois au printemps dernier pendant lesquels on ne devaient pas dormir plus de 3 heures par nuit. Du coup, il a fallu faire un choix et ça a été vite fait. Depuis, on bosse toujours beaucoup mais au moins on dort un peu !
PL : Vous avez le sentiment d’être le reflet de cette jeunesse d’aujourd’hui, à fleur de peau ?
Fauve : Pas du tout. Le truc de Fauve à la base c’est de vider le trop plein qu’on avait entre nous et de se retrouver pour vider notre sac et se libérer de ce qui nous pesait. Il n’y a jamais eu cette démarche de vouloir rassembler ou d’incarner un dénominateur commun pour plein de gens. C’était vraiment une démarche super égoïste. On ne veut pas être le reflet d’une jeunesse ou de quoi que ce soit. On parle pour nous et personne d’autre. On parle de nos vies, de nos problèmes, de nos angoisses. Après, si ça peut toucher d’autres personnes, ça fait plaisir et ça nous touche et ça nous donne le sentiment de se sentir utile à travers des témoignages qu’on a reçu mais pour autant la démarche a été égoïste et elle le reste. Aujourd’hui, on écrit pour nous, c’est notre thérapie de groupe. Si ça peut aider d’autres personnes : tant mieux mais on n’est pas la voix d’une génération.
PL : Vous êtes conscient quand même que beaucoup de gens se retrouve dans les sujets qui sont abordés dans les chansons, qu’il se passe un truc ?
Fauve : Il y a 2 signaux qui nous font ressentir ça : il y a du monde aux concerts et on reçoit beaucoup de messages sur internet. On se rend compte qu’il se passe un truc mais on n’a pas envie, et c’est le plus important, d’être pris pour ce qu’on n’est pas. Qu’il y ait des gens qui suivent Fauve, c’est très bien et ça nous fait très plaisir mais on ne veut pas être pris pour des sortes de rockstars ou pour la voix d’une génération ou des musiciens de ouf. C’est tout ça qui est embêtant : c’est le niveau d’attente que ça met et la pression par rapport à la maturité du projet puis les considérations nouvelles qui sont : on écrit pour nous mais maintenant on sait que ça va être écouté. Fauve, à la base c’est des monologues sous la douche : tu parles à toi même ou parfois tu parles à tes proches de trucs très précis. C’est plus facile pour nous de la mettre en musique que de le dire directement parce qu’on est lâches. Maintenant, ce truc très précis il y a plein de gens qui vont l’écouter et ça le rend un peu différent mais on doit s’efforcer que ça ne le soit pas sinon Fauve perdra cette fonction quasi vitale pour nous d’être notre thérapie.