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J’étais sûr de mes goûts et que ce disque ne rentrerait pas dans mes grilles usuelles...qui se sont élargies au fil des écoutes. En bousculant mes habitudes il va en plus me pousser à d’autres curiosités. Bon début non ???

Mes réticences ? Beuhhh. Le chant en français j’ai pas l’habitude, mais j’ai des excuses ! Ma sœur a bousillé mon enfance avec Jean Jacques Goldman. Je suis victime du syndrome "par cœur involontaire généralisé". Merci à mes parents qui m’ont sauvé avec Pulsar !!! J’ai ensuite exclusivement assimilé l’usage de notre langue aux contes rêveurs et étranges de Ange, Tangerine (qui pratiquait aussi la schizophrénie linguistique), Malicorne...Ce qui a reculé ma découverte de Mendelson à 2013...GDO forgive me !!!

Pour Manuel Etienne j’ai forcé le processus, écoutant, réécoutant, cherchant ce qui s’est vite imposé : on peut parfois aimer sans le savoir parce qu’on pense ne pas avoir les outils pour y arriver. C’est fou hein ? Comme ce disque.

Quand Tom Rocton (Alone With King Kong) m’en a parlé j’me suis dit que sa présence aux côtés de Fabien Pilard et David L’huillier laissait présager quelque chose de bon. Je ne parle pas du principal intéressé car je le découvre par l’occasion, avec son parcours assez énorme ! Je me retrouve avec "Vaudémont", je l’écoute en bagnole, moyennement captivé. Je rentre et me fous sous le casque, laissant le truc se révéler dans mon enfermement. Et là c’est le mimi, c’est le rara ? Et bien oui ça fonctionne grave. Bon son, arrangements chiadés, il y a toujours un élément qui m’accroche. C’est dynamique et l’impression cul entre deux chaises qui en ressort est ce qui m’a fait adhérer. Dans une itw par ce cher Vincent Mondiot, Tom dit "trop chanson française pour la scène alternative, trop alternatif pour le circuit chanson bien de chez nous." Et bien je pense qu’il y a une place, une rangée vide entre les deux qui n’attend que d’être remplie par les déçus de tout bord, gavés de cette variétoche mollassonne qu’on appelle "exception culturelle". Oui cette appellation elle la mérite, car exceptionnellement merdique elle l’est !

Je ne saurais qualifier l’album...mais merde on s’en fout ! Ce qui compte : musicalement ça tue et les textes ont tout intérêt à être écoutés. Je ne vais pas non plus chercher de références, elles ne me viennent pas clairement tant Manuel Etienne semble faire sienne une constellation ultra disparate. Le genre de point de rencontre qui pourrait se transformer en point de ralliement. Dès "Invisible" on sent ce tiraillement, ou plutôt cette richesse. Un titre beau aux paroles intrigantes (c’est le mot qu’on utilise quand on comprend pas vraiment...). Les mélodies sont surprenantes sur ce rythme lancinant, le superbe refrain est magnifié par ses sons électroniques. On croirait une réponse française à Grandaddy avec toutes les finesses possibles comme ces cuivres qui soulèvent le tout et ce timbre de voix aussi particulier qu’accrocheur qui accentue autant l’ambiguïté que l’intérêt.

"Acteur de complément" balance un rythme plus soutenu pour un morceau addictif toujours sous le signe de l’étrangeté ! "Marina" choisit la langue des Fab Four pour un rock qui fait bouger du cul, le genre qui prend racine dans une énergie punk. Avec ces breaks et ces saccades, le titre promet en live. "La fille imperméable" continue dans la nervosité déglinguée que "Muzzles" viendra calmer (si on excepte la fin aux relents hardcore et bienvenue). L’ordre des titres est bien réfléchi car il permet de passer par différents stades lors de l’écoute. En cinq morceaux j’ai l’impression d’avoir écouté et parlé de plusieurs disques. Et autant vous dire qu’on n’a qu’abordé les registres !

Le superbe "Night is lovely" viendra encore ajouter une flèche au carquois des possibles. Les suites d’accords inattendues, les arrangements surprenants viennent faire de ce morceau, parti pour être un titre sympathique, un moment unique où la singularité du groupe se dessine dans toute sa splendeur simple. On finit encore de façon hallucinée, tiraillé entre At The Drive In ralenti et The Beatles. Si, c’est possible !!! Mais surtout ça sonne comme si de rien n’était. "Vaudémont" nous offre un instrumental navigant dans un imaginaire cinématographique fourni. Chaque titre cache un trésor dans une déjà belle richesse apparente. Par exemple la fin de "Christmas - suicide" avec ses chœurs à la Fredo Viola tranchés par la guitare. Aussi furtif que fou.

Mais plus fou il y a encore avec "Les oiseaux d’orme" cachant des fulgurances sous son apparente normalité (l’intro donne le ton). Une sorte de syndrome de la Tourette musical. Je vous encourage à écouter ce disque d’une oreille vierge comme je l’ai fait, sans attentes ni préjugés. Il réussit le tour de force entre subtilité et accessibilité, me renvoie dans sa liberté à Syd Barret voire par moment à Dashiell Hedayat. Bienvenue dans l’asile de la créativité ! Ce groupe est un potentiel cheval de Troie. Espérons juste que les radios arrêtent d’avoir des oreilles si aveugles et ouvrent un peu les portes si étanches et automatisées de leurs programmations.




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