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Décharné et vicieux, « Bones », premier album de Blackmail, frappait fort. Son successeur est un tsunami aussi dérangeant que fascinant, une manière de faire du punk sans la moindre guitare mais porté (ravagé ?) par une TR-808 d’obédience crade et dégueulasse.

« Dur Au mal », donc. Cette fois-ci, en effet, Sylvain Levene revient aux mots français. Ni bleus ni doux, plutôt fatigués, exsangues, malades au point de ne pouvoir s’exprimer que par un cut-up livide, plombé, claudicant. Même plus la force d’aborder le territoire des sentiments ; juste quelques sensations nocturnes, des bribes extirpées du marasme alcoolisé. Comme si le Taxi Girl des « Armées de la Nuit » se faisait dessouder par The Normal et Alan Vega (au même moment)…

Disque d’une époque, assurément. Là est également le but : non pas décrire LA CRISE mais charrier des résonnances liées au contexte actuel (désœuvrement, morbide acceptation, craquage de gueule), des excès de flip en territoire bitume (« couloir étroit », dicté jusqu’à la nausée). Car ici, la répétition (de phrases, de boucles) dessine le portrait d’un ennui urbain (« chercher un truc à faire » sur « Week-end Facile »), d’une grosse dérive éloignée des soudains élans colériques. « Dur Au Mal » est un disque morose, résigné ; un album trop gueule de bois pour oser se répandre dans le vindicatif ou la déclaration de guerre. Une marche somnambule qui réussit à capter la sale fatigue psychologique du temps présent (de gré ou de force).

Synthétique hard, minimalisme boscoïen, parlé titubant. Absence de poésie, de jolies phrases, d’émois « adultes toujours teenage ». Refus, même, de la mise en avant (la voix, entre deux leitmotivs épurés au strict nécessaire, préfère s’évanouir dans l’hypnotisme déglingué d’une musique en provenance d’on ne sait quel quartier en friche). Attention : le nouveau Blackmail est un grand disque pour tous les déçus de la vie.




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