Les duos ne sont pas aisés, être deux, le bicéphale qui se mord, le point de fusions des égos, la langue partagée, l’ambidextre divisé, les duos ne sont aisés, l’entente parfaite n’est même pas rassurée par des consanguinités (demandez a Angus et Julia Stones). Non, vivre a deux sur des sillons, dans des étroits studios comme des amants parfois hargneux, parfois lumineux, a l’ombre de l’un, éclairé par l’autre, couple sans menottes, étranger partageant le ciel, l’équilibre est malsain tant il est précieux, et sur cette fine ligne où se touchent les deux âmes nait et se bâtie cette maison des trésors. Cette construction se nomme Treasure House, deuxième embrassement entre Rachel Zeffira et Faris Badwan, ce duo de différence qui entre en grâce a chaque son. Cat’s eyes se rejoignent, se contactent dans des ambiances d’empires anglais, poètes d’une époque qui va du colonial sobre des réalités jusqu’au hippisme ivre d’onirisme. Et dans cette frange de temps qui tournoie dans leurs crânes, ils ébauchent l’équilibre entre la rage d’un et la sagesse de l’autre, les électrons choquent, les aimants se repoussent puis s’attirent, l’univers est une somme de deux qui n’arrivent à s’ajouter qu’en se repoussant, en se bataillant d’une génialité a un instinct, d’une civilisation a un rythme tribal. L’un revêt sous son perfecto le velours des chaises d’Oscar Wilde, l’autre soulève des jupes rockabillies pour découvrir les rideaux d’opéras. La communion, tout réside dans la communion, recevoir le corps de l’autre, boire son âme et manger sa chair, dans le repas, dans la maison, et pour digestion, ce disque, illogique, ébranlant les normes dans des quêtes irrévérentes de mélodies, surprendre dans l’ambigüité de deux par un unique plaisir, le son, le son universel, un et inséparable, le son élégant qui a la grâce de la lave qui envahie, le son éraflant qui a la caresse d’un envol a plein poumons. Disque de rêves et de crues, capable de transes et de plaies, capable de guerre et paix, nait du contraste de deux, nait du binôme, de la séparation obligée, de l’union indestructible, disque nait dans les chansons aux compositions classiques, disque nait dans les compositions inattendues et osées, disque bigame, qui se mari autant a la folie qu’a l’intelligence et uni aux deux extrêmes dans des extrémités réellement belles. Déconcertant est cet équilibre trouvé, déconcertant et envoutant, apte pour bercer comme pour secouer, impossible de situer, dans aucune situation, dans aucun sens et sensuel pourtant, bousculant en zig-zag les sentiments et les ouïes, disque étrangement autre, inattendu, disque pour redécouvrir la musique, et concevoir la possibilité que pour réussir a être duo, il faut d’abord être deux, et le rester, le temps d’une construction, le temps de construire cette maison.