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Autant se le dire directement, on a adoré ce premier Lp de Louis Brennan, Irlandais de Londres comme il aime se définir, parti autoproduire son disque à Berlin, histoire de se refaire après une vie quelque peu mouvementée, passée à bosser dans la Perfide Albion.

Oui, on l’adore ! Pour cette aisance à mettre en scène les petits bouts de cette existence patraque dans des chansons qui supportent très bien leur nudité, leur crudité et leur fausse absence de moyens. On l’aime pour ce courage aussi, qui pousse Brennan à s’avancer sans défense, sans faux-semblants, quand il est devenu de plus en plus rare dans ce monde de "winners" patentés d’admettre ses faiblesses, ses erreurs et de chanter ses plaies.

On l’aime surtout pour cette façon très soignée, lettrée et lucide d’écrire en nourrissant sa plume aux seins d’histoires humaines bien bancales, que ce soit la sienne ou celles de ses contemporain.e.s, qu’il ne porte pas toutes et tous dans son coeur, c’est le moins qu’on puisse dire.

L’homme qui se cache derrière cette barbe et cette tignasse bien fournies - il a un petit air de Father John Misty - et cette voix grave - un beau mix entre Stuart Staples et Matt Berninger - n’a pas sa langue dans sa poche. Privilèges des Blancs, confusion sexuelle, toxicomanie, crise didentité, échec de la Gauche sont autant de sujets traités ici frontalement, avec une belle dose d’acidité et de douce misanthropie qui rend globalement la chose plutôt fine. Ce sont des sujets qui n’ont finalement pas d’âge, si ce n’est celui de leur propre conscience : ils disent la douleur du solitaire, la complexité pour lui de trouver sa place dans le monde actuel.

Les mots agencés sur ce disque pour les traiter sont autant l’empreinte d’une âme durcie par le doute et l’ennui que l’écho d’un coeur qui s’est remis tant bien que mal à battre. Des battements qu’accompagne superbement et simplement une musique folk, guitare, violon, piano et accordéon souvent à l’unisson.

Mais le vrai choc de ce Dead Capital - définitivement le meilleur titre d’album trouvé cette année - au-delà d’un verbe haut et inspiré, c’est surtout cet incroyable exploit : réussir si tôt dans une vie d’artiste à se trouver un ton. Et ce sans forcément mater par dessus l’épaule des voisins. Comme chez The National ou dans les fausses accalmies des acerbes Arab Strap - seules accointances recevables pour des chansons qui s’en passent allègrement - c’est cette insolente authenticité, cette ferveur et ce goût des "climats" justes qui sauvent ce disque (et nous par la même occasion) d’une chute vertigineuse dans la tristesse infinie.

Le monde de Louis Brennan est très sombre. Mais pas totalement. C’est sans doute ça qui nous fait l’adorer par dessus tout. Et ça on vous avait prévenu.




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