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Savez-vous, oui, surement que vous savez, vous l’aurez savouré au moins une fois, ce petit flou qui peuple nos yeux aux réveils, qui rend doux le monde l’instant juste entre l’inconscient et le conscient, c’est un moment magique où persiste la douceur, où s’allonge l’empreinte des rêves. Proksima vit là. Après, les rêves peuvent être plus ou moins chauds, tièdes, froids, durs, choquants, brillants, mais l’univers Proksima maintient toujours une règle d’or, l’humain. « Sans rancune » sent la morsure, le remord, le mal admis, et le pardon, un amas de sentiments qui vont des canines aux cœurs. Alors dans ce laps de temps entre tout où nos trois créatrices prennent feu, nait cette atmosphère si particulière, les maux dansent et les sons emmurent, les mots montrent et les mouvements expliquent. Ceux qui connaissent ce projet savent que c’est un tout, un ensemble, tout comme un homme, la chair, l’âme, la parole et le monde autour sont ici a tour de rôles la danse, l’écriture, l’image et la composition musicale, et dans ce nouvel opus, les quatre éléments se marient encore plus entre eux, assemblage d’une élégance et subtilité organique, les lettres (plus que des paroles, ce sont des lettres, cartes ouvertes) d’Anouchka Djurdjevac ( bien secondée par Patrick Dufour et Raphael Duprez) prennent l’ampleur parfaite de l’émotion, se collent parfaitement a l’humeur, s’élèvent, d’une maturité atteinte, et vont au-delà du chant, ce sont là des petites histoires de jour-a-jour tragiques ou magiques où chaque mots pèse, qu’il soit monstre, qu’il soit amour, ils pèsent sur ses pas de danses nerveuses, blessées, a l’extrême de tout, combattant avec/contre ses paroles. Paola Cardone continue a semer les lueurs de son talent de composition, et surtout d’amante des sons, trouvant la sonorité précise qui plie le bras des danseuses et mesure les cratères et cimes a poser sur et sous la voix, trouvant aussi le facteur humain d’un courant électrique, les veines irrégulières cachées dans les câbles technologiques, et j’admet qu’elle a trouvé ici un bel équilibre pour que la mélodie n’envahisse pas le territoire des mots et laisse l’espace a l’image, un contrôle précieux de la mesure de tout ce qui est en jeux dans ces chansons. Reste ce vernis que les peintres passent sur leurs toiles pour qu’elles soient éternelles, ce touché spécial qu’a l’image non seulement pour expliquer les mots, sinon pour les faire respirer, l’art esthetico-sensitif d’Elodie Murtas pour traduire l’émotion en films sous-cutanés, au-delà du physique.

Reste a déchiffrer la manière d’aborder tel travail, comment s’écoute une telle œuvre, car ceci ne peut s’écouter conventionnellement, assis dans nos chaises de bois aux salons habituels, aux heures de toujours, il faut se baigner, je crois, corps et âmes, s’enliser dans un liquide d’inconscient, s’isoler, s’emmurer, s’enfermer et ne plus vivre que dans cette atmosphère, dans cet univers, n’avoir d’yeux que pour ces images, n’avoir d’ouïe que pour ces musiques, et n’avoir d’âme que pour ces mots, on ne peut apprécier ce disque sans auparavant oublier les couleurs et les matières, sans avoir avant, vider la mémoire de toutes nos écoles, garder peut-être, ce fait intime d’avoir vécu ces histoires, dans le creux de nos ventres, de savoir de leurs frissons, de savoir de leurs chaleurs, et de leurs lendemains. Il faut entrer dans une cellule intérieure, un cocon aveugle, muni d’un écran de ciné, là, derrière nos orbites. Surtout, ne pas séparer les pièces, ne pas diviser nos sens, rester entièrement allongés le long de ces chansons, les vivre a l’unisson de nous, poser tout notre poids dans la danse, toute notre biographie dans les mots, tout notre langage dans les sonorités, tous nos nerfs dans l’imagerie, et savourer cet instant merveilleux, entre l’inconscient et le conscient, comme avant l’éveil, après le rêve.




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