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Un double album enregistré sur quinze ans, hors du temps, hors des modes, avec la poésie comme essence, voilà l’ambitieux projet mené par Krotz Strüder / Julien Grandjean. Dans nos vies si volatiles, il est toujours bon de fixer quelques textes, quelques voix, qui sauront vous accompagner tout au long de cet éprouvant voyage d’hiver qu’est la vie.

Un album fait main, sans artifices, avec le plus souvent une guitare, une voix, mais aussi quelques étrangetés instrumentales qui amèneront des moments plus déroutants, sur le fil. Nous serons même parfois aux limites de la transe comme dans cette interprétation de « A few polar songs » d’Emily Dickinson. Quelque chose de chamanique émerge, voilà le mot. Quoi de pus révélateur qu’une vision chamanique du monde pour réunir dans un même disque William Blake, Henri Michaux ou Friedrich Hölderlin ?

« Sinon ces volatiles » est cousu sur la frontière. Nous sommes toujours aux limites de quelque chose. On peut s’y éveiller, on peut aussi s’y endormir. Mais n’y a t-il pas plus pure berceuse que la voix des poètes ? Entre langue allemande et langue française, tout d’abord (une frontière qui s’avère plus ténue qu’il n’y parait) puis avec son altesse sérénissime : la langue anglaise, américaine, où il sera forcément question d’un certain romantisme. La vie n’est elle pas plus intense sur son versant élégiaque ? Oui, cela aurait pu se faire avec une dizaine de titres seulement. Mais ça n’aurait pas touché aussi juste car ce travail est d’abord pensé comme un libre foisonnement des émotions. Un peu comme la vie : le voyage est long mais les escales sont courtes (des morceaux de deux ou trois minutes, guère plus).

Julien Grandjean nous offre également six textes de sa plume, ce qui nous donne l’occasion de découvrir cet auteur. Loin de s’avérer fourre-tout, les deux albums sonnent justes car ils sont définitivement à contre-courant, ne cherchant ni à rattraper la vague électro-soft du moment ni la culture folk intégriste du passé. Le décor est planté d’arbres aux essences diverses, enracinés, avec de multiples ramifications. C’est un journal intime autant qu’un carnet de notes, avec de larges références à l’enfance, à ses malheurs, à ses accès de violence. Julien chante aussi les poétesses (Emily Dickinson, Albertine Sarrazin, Dorothy Parker), ce qui ouvre au ventre du monde, une outre où recueillir l’expérience de la beauté comme celle des enfers qu’elles ont traversé.

Ainsi, si nous cherchions les descendants d’un duo comme celui de Brigitte Fontaine et d’Areski Belkacem et bien, nous les avons peut-être trouvés, ici-même, avec cet album à la fois complètement folk mais aussi parfois surréaliste, barré, à deux voix, mais tout seul, un duo qui n’en est pas un, parce que tout est double finalement. Avec des titres aux limites de l’expérimental, n’hésitant pas à mettre le texte au-dessus de tout, à déstructurer ce qui semblait trop facile à entendre pour évoquer la folie, la torture de l’esprit, la rivière sans retour d’un fleuve noir emportant les âmes.




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