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J’entamais mal ma journée ce matin. Les nouvelles n’étaient pas bonnes, annonçant la disparition des insectes. Si je l’avais déjà constaté de mes yeux, l’entendre avec un calendrier complètement fou était digne d’un plaquage anglais en plein crunch désastreux. J’étais face à mon pot de miel pour tartiner mon pain au maïs, et je me demandais si ce geste n’allait pas être un luxe, tant nos abeilles perdent un combat que nous engageons contre nous au final.

Parti pour ma journée de labeur, cette idée de miel, de pollinisation ne m’a pas quitté, et en fouillant dans mon iPod, rien ne devait s’imposer à moi pour me changer les idées. Je décidais alors de m’en remettre au classement alphabétique. About Luke avait donc la charge de me sauver la journée. C’est Julie Roué, compositrice de musiques de films et séries (Jeune Femme ou plus récemment HP) qui se cache derrière ce nom. Elle est présentée avec des liens évidents avec Sufjan Stevens et Regina Spektor, nous promettant donc un univers onirique et subtilement orchestré. Si l’ensemble semble à la première écoute fonctionner sur une seule ligne, il se dégagera au fil de la journée des harmonies somptueuses, des mélodies virevoltantes un univers qui rapidement fera écho à la mauvaise nouvelle de la matinée. Julie Roué se présentait à moi comme une butineuse qui polénniserait des fleurs musicales. Elle serait comme la magicienne, la petite abeille qui à elle seule donnerait à une prairie le droit de ne pas perdre espoir en l’avenir. Dans son sillage tout semble s’animer dans un souci de symbiose, mais pas d’ordre, le rythme ayant le droit de sautiller au gré du vent, des envies.

Les 12 morceaux sont comme autant de pièces à un édifice qui ne demande qu’à onduler au gré du vent (« Travel Light » tube qui pourrait illustrer un coucher de soleil sur une plage habitée par des personnages de Minuscules).

Si les références sont évidentes, une est même totalement assumée sur le très beau « Walking With Moondog  » qui pourrait apprendre la sobriété à Camille, il y a dans l’écriture de Julie, un art de la pirouette mélancolique, de la galipette rieuse.

Doux comme une cuillerée de miel, ce premier album de About Luke est un écosystème salvateur, un disque comme un de ces grands meubles du musée de l’homme, découpés par d’innombrables petits tiroirs dans lesquels les surprises sont là pour éveiller chez nous bien plus que de la stupéfaction, une conscience que nous avons besoin de l’infiniment petit pour ne pas perdre de notre grandeur. La musique de About Luke répond à cette nécessité, ouvrant grand nos oreilles avec une orfèvrerie tout aussi pointilleuse que rêveuse, signant une symphonie pop miniature qui aura sauvé ma journée, et qui me servira de breuvage quand le miel se fera rare.




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