Dans une année musicale il y a les coups de cœur qui durent le temps d’un été, les disques que nous aurions préféré ne pas croiser, les disques qui s’imposent à nous car venant d’un ailleurs insoupçonné, les disques que nous rangerons dans une sorte d’Olympe sans que nous empruntions le chemin qui mene à lui trop souvent, et il y a LE, je dis bien LE et non les, LE disque attrape coeur, ce disque vers lequel nous sommes sûre de revenir dessus même après des années, pas un chef d’oeuvre, mais le disque vers lequel nous nous replongerons encore et encore pour nous abreuver de cette source qui nous aura revigoré.
« Domestic Eyes » du duo parisien Fast Friends est une ballade dans une période bénie, celle des 90’s, celle des débuts de Palace de Pavement de Swell, Sentridoh et autres Pixies côté US, Catchers et Belle and Sebastian pour l’outre-Manche, celles des chansons qui s’arrangeaient des moyens du bord, étant à la base de véritables petites pièces d’orfèvrerie, faisant de la mélodie le pilier principal et l’arrangement le terme pour définir une bidouille tendre et joyeuse, mais toujours en adéquation avec cette philosophie de la création avant tout.
Celle ci est celle de Fast Friends même trente ans plus tard. Les douze chansons sont autant de propositions lumineuses, oscillant entre mélancolie et histoires passées, un texte amarré à une mélodie imparable le tout sur un décor jamais chiche, toujours d’une justesse implacable (« Miss Sapphire Blue » est la plus belle pop song de l’année et pas seulement pour l’intervention émouvante de Sammy Decoster) jouant avec l’amplitude, sans une faute de goût (même dans le choix des guests Heather Woods Broderick et Jona Oak qui magnifient encore plus les chansons). A l’image des Pixies le duo Julien et Jim imbriquent plusieurs chansons en une, mais là où la folie gagnait vite le groupe de Black Francis, le duo reste serein, ne dépareillant jamais d’une élégance folle, mélangeant acoustique et électronique avec une évidence folle. Énumérer le nombre de bijoux de ce disque reviendrait à archiver l’ensemble du fond de négatifs collectés par Thomas Sauvin duquel est tiré l’image de l’animal mystérieux qui orne la pochette de cet album. Ils sont l’écho d’un passé béni, mais enivrent notre présent et assurément coloriera encore longtemps mon futur. Le tourbillon d’un attrape cœur.