L’Angleterre nous étonnera toujours. On y roule à contre-sens, on y pratique une cuisine qui peut désorienter, on y vote contre quelque chose en se disant que le pour passera et surtout, on arrive à nous dénicher des laborantins de la musique pop quand tout semble avoir été déjà écrit et découvert. On ne sait pas grand chose de Wassailer. C’est un Londonien d’adoption, il a été élevé par le son du Manchester, il a travaillé avec (We Were) Evergreen et sans le savoir, sans le préméditer, il a ingurgité et séquencé le génome de la pop anglaise, en faisant une carte génétique qui pourrait bien mettre à mal la codification de la pop anglaise, déboulonnant les certitudes en injectant dans le circuit une hybridation rare avec son premier album « I, The Bastard ».
Wassailer serait comme un marcheur qui arpenterait les rues de Londres, de Bristol ou de Sheffield et qui absorberait tous les sons qui sortiraient des bâtisses, passant la tête dans l’ouverture d’une porte ou d’une fenêtre. Fort de ces particules sonores, d’un goût pour les échanges et d’un amour pour l’auteure de « I Want a Little Sugar in My Bowl », Wassailer s’est d’abord orienté vers le don pour le plaisir des autres avant de se lancer dans la construction de cet album à la croisée de plusieurs chemins, vers une seule direction, l’excellence dans la créativité.
C’est par un rap cramé de l’intérieur qu’il nous accueil, l’éteignant par un torrent d’eau disséminant les particules brûlées dans le sol. Il y a quelque chose de complètement venimeux dans « Foreplay ». Après des harmonies vocales (Trad) entre Bjork et Camille, entre shamanisme hédoniste et ballade dans la forêt de Sherwood, il nous envoie dans les caraïbes (Miss Trolleys) pour y côtoyer les arpèges de Radiohead comme fond sonore à une vision paradisiaque.
Avec « Domestic Dogs Barking » le flow se fait plus rap, jouant comme un enfant, donnant une saveur sucré à un morceau qui pourtant prend sa source dans l’ombre des murs graphés d’une rue sans lumière.
Pour « Son », c’est un espace sonore ample, presque sans limite qui permet à de s’adonner à un lyrisme étonnant, marchant dans les pas d’un au sommet. C’est une entrée jazzy avec un charme soul que nous propose « Ghosts », titre magistral hanté par des gentils fantômes qui apaisent les nuits, le bois et les cuivres comme des doudous que nous toucherons pour nous apaiser. La face B s’ouvre via un versant plus sombre, l’oppressant « Going to the Club » qui pourrait être le chaînon manquant entre le trip hop fantomatique de « Mezzanine », et le big beat endiablé d’un Fatboy Slim en cure de desyntoxication. Après l’oppression relative, une bouffée d’oxygène presque orgasmique avec « Three Dots in a Bubble », titre qui plonge l’univers de Cure dans celui de Lewis Carroll.
Arrivera alors deux OVNI. « 242 » que nous prendrons en plein front, sautillant comme sur une plateforme virtuelle avant de nous envoler sur un arc-en-ciel, et surtout « Song For Elsa », dernier morceau époustouflant et poignant dans la tradition de la pop anglaise façon Pulp, qui montre que même dans une forme de classicisme Wassailer pourrait mettre tout le monde d’accord.
Disque ébouriffant et débordant d’énergie, « I, the Bastard » est plus qu’une ode à la pop anglaise dans tout ce qu’elle a de vaste, c’est une redéfinition même d’une grammaire dans un esprit non pas de célébration, mais de partage. Wassalier ou le génie généreux.