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Il y a un siècle pile poil, le Hanovrien Kurt Schwitters et son compère Utrechtois Theo van Doesburg se lançaient dans une tournée aux Pays-Bas pour faire connaître, au travers de lectures et de performances, le mouvement Dada : en témoigne l’œuvre Kleine Dada Soirée, qui faisait également office de programme, sur lequel on peut lire « Dada est contre le futur, Dada est mort, Dada est idiot, vive Dada ! ». C’est dans cet état d’esprit militant (l’absurde comme remède à l’absurdité du réel) que cent ans plus tard, nourris par Fluxus tout autant que par l’Internationale situationniste, le compositeur multi-instrumentiste Pierre Bastien et le plasticien sonore Michel Banabila, après un single élaboré dans le cadre d’une collecte de fond au Yémen en 2022, nous proposent avec Baba Soirée la déclinaison contemporaine des Kleine Dada Soirée, précisant que « ce n’est pas une soirée dansante, ni une intervention avant-gardiste ». Enregistrés entre Rotterdam et Valence, publiés par le label Hambourgeois Pingipung (Umeko Ando, Anadol et, récemment, le merveilleux Songs for Broken Ships de MD Pallavi & Andi Otto), les dix titres de Baba Soirée font la part belle aux collages et aux expérimentations acousmatiques, Pierre Bastien ayant par ailleurs conçu l’orchestre mécanique Mecanium, combinaison d’instruments traditionnels et d’automates – le visuel élaboré par TEOTH recense les outils de la virée abstract qui nous attend. Slow Dance et son cornet à piston préparé, que l’on retrouve également sur Ban Bas Aura, dessine une fête foraine d’outre-tombe, grinçante et jazzy, ruisselante de motifs percussifs, tandis que Ban Bash Up évoque (c’est mon avis) la rencontre entre une photocopieuse et un train miniature, et qu’Ancestors Mix, composition la plus ambitieuse de l’album, se fait flot de cliquetis rampants jusqu’à se fondre dans un halo de bourdons puis lentement glisser vers le silence. Sur Rotor Motor, le violoniste Salar Asid se joint au duo, pour clore avec brio une bien charmante soirée. Ludique et néanmoins paré d’une certaine mélancolie (le souffle de la nuit sur nos nuques), Baba Soirée est une expérience intrigante, envoûtante et haute en couleur, qui ravive l’enfance, quand face à la cheminée, les yeux rivés sur les flammes qui crépitent, vous imaginez des personnages invisibles courir sur les bûches et franchir des précipices et grimper des immeubles qui s’écroulent, le pied. En ce sens, quand les espiègles (dé)bâtisseurs que sont Pierre Bastien et Michel Banabila nous invitent à déambuler dans leur architectures articulées, on ne raterait ça pour rien au monde, fut-il en flammes.




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