> Critiques > Labellisés



Que pouvions-nous attendre d’un seconde album de Gina Eté après le coup de maître d’« Oak Tree ». Une resucée reprenant les bonnes recettes du premier ou un changement de cap, l’époque étant à tenter de maîtriser le temps, non pas en le fixant, mais en l’accélérant, dans une frénésie mortifère et déconcertante. C’est une troisième voie qui semble avoir été prise pour ce nouvel opus, celui de la confirmation. N’abandonnant pas ce qui a fait la force du premier disque, Gina Eté pousse ici le curseur de l’expérimentation dans un pop rock toujours facile à apprivoiser, si l’on est habitué aux chansons qui ne se limitent pas à la construction binaire et ancestrale du couplet refrain. Dans celle, si Gina Eté intègre des parenthèses qui deviennent la matrice du morceau avant de reprendre le chemin via des passerelles qu’elle maîtrise parfaitement, malgré la difficulté. L’une des nouveautés est l’intégration prononcée des cordes, donnant une couleur plus grave, mais aussi un souffle tout aussi épique que pesant. C’est « Trauma » qui ouvre le disque, un titre qui en se rapprochant du premier album de Portishead, annonce la couleur, il ne sera pas question de se voiler la face, le ver est dans le fruit, et le fruit qu’est ce foutu monde est en train de ne même pas prendre le temps d’amorcer sa chute (comme « Lach Du Nur » le dit de façon sibylline avec maestria dans un cadre épique). On sent une sensibilité exacerbé quand elle chante en suisse allemand et les enluminures qui éclairent une chanson qui semble porter en elle une forme de souffrance magnifiée, si nous pouvons dire, par le chant tout à la fois fragile et cassé de Gina (Mach’s Gut). Comment résister à « Nulle Part » (en français) à la superbe puissance évocatrice, à « Troubleshooting » titre électrique dans ce qu’il provoque dans notre moelle épinière. Il y a un tremblement intense et joueur dans cet échange, ce ping-pong. Sur l’ensemble des titres Gina Été joue bien plus qu’une légitimité artistique, il y a quelque chose de fort de puissant (All Or Nothing), d’organique, de viscéralement attaché à un monde en perdition, qu’elle ne pleure pas encore, car chez elle, la revendication pourrait déplacer des montagnes, rafistoler les glaciers en phase de détachement. Pas un hasard que le disque se termine par « Somnifère » et « tired People », comme un constat d’échec, point final d’un disque qui noue dans une oeuvre artistique son histoire et celle désastreuse de notre monde, Gina Eté arrive à construire une oeuvre personnelle grande ouverte sur l’extérieure, recyclant, donnant une deuxième vie avec un soucis tout autant de sauvegarde que de donner une seconde vie dans un élan créatif fort et poignant. À l’instar de certains personnages de « Stranger Things » Gina Eté revient du monde parallèle, un monde de l’ombre, qu’elle nous raconte sans pathos ou surcharge négative, mais avec dans le regard et les mots une forme d’inquiétude qui nous terrasse Un reboot extraordinaire.




 autres albums


 interviews


aucune interview pour cet artiste.

 spéciales


aucune spéciale pour cet artiste.