Tu trembleras, tu trembleras et tu gémiras
L’amour est l’amour et c’est maintenant l’heure
Bonnie demande qu’on lui ferme la bouche, il ne sait pas quoi dire. Il y a ces monstres en lui et ses réactions face à la réalité, décalées, à côté. Enlevé par la musique de Matt Sweeney, Bonnie ’Prince’ Billy assume-t-il ici ce qu’il n’oserait pas ailleurs ?
La première collaboration des deux amis a seize ans. Née d’une proposition de Will Oldham à son ami guitariste et chanteur Matt Sweeney de mettre en musique certains de ses morceaux sous le nom de Bonnie ’Prince’ Billy pour un concert londonien. En 2005 sort “Superwolf” et aujourd’hui Superwolves comme une réalité augmentée de leur première expérience.
Ou une réalité augmentée d’eux-mêmes ? On peut se poser la question à l’écoute du premier morceau du disque, Make Worry For Me : une ballade, moins folk que ce que l’on connait de Bonnie ’Prince’ Billy, un goût plus nerveux. Une ouverture à la guitare presque mystique. Derrière l’harmonie impeccable des voix, surgira un solo de guitare électrique, d’une certaine laideur immédiate qui posera comme souvent l’opportunité de ces solos, comme une démonstration de savoir-faire dont on ne perçoit pas toujours d’autre intention. Mais cette guitare justement participe de la ré-créativité, de la récréation, comme la batterie dont la présence s’amplifie au fil du morceau.
Bonnie ’Prince’ Billy construit des mondes dans le ciel, du sang dans les yeux.
Good to my girls a la douceur mélancolique tellement enveloppante, qu’on oublie que la voix s’autorise la luminosité sur des accords majeurs, Bonnie ’Prince’ Billy peut chanter la joie, en tout cas un autoportrait en bon gars, qui fait ce qu’il faut, qui gagne sa part de vie et de terre.
L’univers de Bonnie ’Prince’ Billy le rattrape, dans God is waiting, on peut se demander alors si Matt Sweeney y peut quelque chose. Quand il donne sa voix à un morceau, celui devient un morceau de Bonnie ’Prince’ Billy. On reçoit sa simplicité brute et douce.
Le très hillbillies Hall of death, marque le retour de la guitare technique, virtuose et exotique, la rencontre de la country et de la culture touareg du guitariste et producteur Ahmoudou Madassane, La ritournelle comme une chanson de pub, les paroles n’engagent ni à boire, ni à célébrer l’amitié. La mélodie entraine, le texte est à se pendre.
« Comme le disait Mamaw, on peut arracher un garçon au Kentucky, mais on ne peut pas arracher le Kentucky de son cœur ». Hillbilly Elegy James D. Vance
Chaque chanson est comme une petite nouvelle, une micro-fiction, un monde à chaque fois de roman américain. Les voix qui se suivent ou se répondent, des rendez-vous. Chaque élément semble juste, à la juste mesure, à l’intention juste, exacte. On trouve dans ce disque un Bonnie ’Prince’ Billy à la voix plus claire, comme rajeunie.
Un ensemble cohérent et finalement dont on pourrait pourquoi pas regretter parfois la trop grande homogénéité, on aurait aimé revenir à la promesse du premier morceau, celle d’un Bonnie ’Prince’ Billy davantage bousculé. La promesse initiale est tenue à la dernière plage. Not fooling marque le retour de la batterie, électrise la guitare, une pulsion, la surprise appelée.
Un disque pour les amoureux de Bonnie ’Prince’ Billy, quand on aime voir celui qu’on aime légèrement décalé parfois, s’aventurant dans des sentiers nouveaux. Les sons du Niger de Mdou Moctar ou une Amérique autrement trash celle du réalisateur Harmony Korine (Spring Breakers) qui a conçu l’artwork de l’album.