Si Richter avait essayé de mettre une échelle sur l’intensité des tremblements de terre, personne à ma connaissance ne s’est essayé à mesurer l’impact de la musique sur le corps. On nous donne des chiffres de ventes, du coefficient d’influence d’un disque sur un nombre de musiciens, mais jamais de la vibration qu’il engendre chez nous.

Si quelqu’un possède sa propre notation de l’impact tellurique, je veux bien la faire mienne, et mettre le curseur au plus haut après les écoutes répétés de « Sediments We Move » de Charlotte Greve. C’est une œuvre massive, d’une ouverture rarement entendue, mélangeant tout ce qui aura un jour influencé la jeune femme. Ici, la musique contemporaine danse avec le jazz, le post rock s’invite tantôt de façon sibylline, tantôt prenant à bras le cœur de devant de la scène, se la partageant avec des lignes popisantes qui elles peuvent se fondre dans une forme de rock plus frontal (peut-être l’unique reproche sera les quelques solos de guitare qui peinent à trouver une place.).

Ce disque, c’est de la TNT qu’une tortue aurait savamment enfouis depuis des années avec le désir de voir se recouvrir des empreintes anciennes, une maladive écorce bafouant ses principes premiers de divertir sans nous prendre pour des noix de coco. Comme peu le faire James Murphy avec son LCD Soundsystem, dans un style radicalement diffèrent, l’écriture de Charlotte Greve semble outrepasser les grands textes, les écritures castratrices, pour s’inviter et inviter elle-même, tout ce que la musique compte de mouvances (même la comédie musicale est ici suggérée.).

Œuvre magistral et monumental (les amoureux de Michel Legrand pourront enfin parler avec ceux de Slint) ce disque est une déflagration (le chœur qui traverse le disque est tout à la fois la bourrasque et le calme d’après la déflagration.) qui pourrait lézarder vos défenses corporelles. 10 sur mon échelle, qui compte.....9 graduations. Grandiose et épique.