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L’écrivain britannique William Morris s’est fourré le doigt dans l’œil. On le sait, deux fois par jour, une horloge cassée vous donnera l’heure exacte ; ça s’applique aussi bien à la littérature utopiste qu’aux prophéties embrumées et autres prédictions d’économistes rémunérés par les lobbys. William Guest, le narrateur socialiste patenté du roman « News From Nowhere », publié en 1890, se réveille en 2012 (l’année de la 185ème fin du monde, pas de bol !) et constate que l’argent a disparu (bitcoin, mon ami), ainsi que le mariage (no comment), et le parlement a cédé sa place à une démocratie plus directe (les foutus réseaux sociaux ?). Cette nouvelle société, communiste et égalitaire, considère le travail – s’il est consenti – comme un épanouissement et vise l’harmonie avec la nature. Mouais. J’ai tendance à penser qu’en matière d’organisation sociale, si le bon modèle existait, on l’aurait déjà trouvé, sachant qu’au sein de toute structure, le facteur chaos reste l’humain, voué à bousculer les frontières et se sentir vivant uniquement lorsqu’il brûle les amarres. Animal incontrôlable et empathique, il est systématiquement la première victime des échafaudages civilisationnels qu’il bricole, millénaires après millénaires, et qui s’écroulent sur lui tandis qu’il s’étonne de n’avoir rien vu venir.

En réponse à l’apathie, News From Nowhere nous propose un brûlot punk / post punk jouissif, à base de boîte à rythmes, de guitares tour à tour tranchantes et caressantes, et de mélodies – chantées ou criées – entêtantes. Après un « Nobodies’ Shout » publié en 2018, le duo rémois revient avec « ...’Til The Morning Comes », publié par Araki Records. L’ensemble est compact (trop court !) et néanmoins bourré de subtilités, la guitare électrique en son clair des couplets de « E.W.B Nightmare » ainsi que les accords de « Morning Comes » font penser à Sonic Youth, « Falling Apart » nous rappelle à quel point le premier album de Placebo était chouette, les arpèges saturés de « State Of Emergency » ont un côté Blonde Redhead et « The End and The Start », en guise de conclusion énervée, a une sorte de coolitude à la Pavement.

Mo (guitare, voix) et Ben (basse, voix), appuyés par une production lo-fi qui sert parfaitement le propos, font des merveilles avec peu de moyens, parce qu’ils ont de l’énergie et de vraies bonnes idées. Je propose qu’on les téléporte dans l’Angleterre du 19ème siècle, histoire qu’ils explosent le salon de ce cher William Morris, à coups de riffs, de griffes et de larsens : la vie ne se conceptualise pas, elle se vit, et c’est bien le rôle du rock’n roll – merci News From Nowhere – de nous le rappeler.




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