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Mardi, lors d’une discussion enlevée sur l’état de la rock critic en France, un bon ami à moi, par ailleurs doué d’un jugement solide et d’une oreille des plus sûres, me laissa entendre-pardon si je trahis quelque peu ses propos et si je ne parviens pas à en retranscrire toute la subtilité-que cette dernière sentait la chaussette. Il ajouta qu’elle peinait à se renouveler et, qu’hormis quelques critiques pourfendeurs de la médiocrité, elle n’atteindrait jamais l’excellence de la critique rock anglo-saxonne. Dans le but louable d’étoffer son propos, il me prit pour exemple. Il m’expliqua avec force détails en quoi mes critiques étaient ampoulées et en quoi l’utilisation répétée de métaphores nuisaient à mon propos et masquaient, sans effet, la vacuité de ce dernier. Ce jeune homme au verbe souvent haut-parfaitement capable de hisser ses paroles au niveau de la plus haute mauvaise foi pour être certain d’empocher la mise-voulait ainsi, très subtilement, me signifier que j’étais à chier. J’opposais à l’argument qu’il m’avançait -et que je vous retranscris de mémoire : " Putain mais quel besoin de répéter les mêmes clichés : " guitares boisées ", " chant introspectif ", " cordes lumineuses "…bordel ! "-que ce qu ’il jugeait être des clichés ne s’apparentaient en fait qu’à des outils destinés à donner à comprendre au mieux la musique sur laquelle on tentait de forger un avis. Un critique d’art, un critique gastronomique, chacun emploie ainsi un vocabulaire précis et codifié. Une méthode d’analyse en somme. Et ben mon salaud aujourd’hui tu vas être servi… Pour quelle raison ? Parce que le dernier Minor Majority colle aux clichés d’analyse précités. Attention, on ajoutera aussitôt que cela ne signifie pas que l’excellent groupe norvégien s’ingénie à retranscrire les codes inhérents au genre-en l’espère la pop-folk-sans le lire à travers le prisme de leur talent et à des fins purement mercantiles. Bien au contraire. J’entends ici que le groupe emmené par Pål Angelskår s’inscrit dans une tradition et n’intègre les codes du genre que pour mieux en donner sa lecture. Alors disons le tout de go cet album est un chef d’oeuvre. Je le présentais à la vue de l’artwork soigné et à celle des notes de pochette inscrites à la main. De l’artisanat, de l’orfèvrerie, il s’agissait de cela. Oui donc, on convoquera les expressions "guitares boisées", "chant introspectif" et "cordes lumineuses"... Car c’est de cela qu’il s’agit. Et de bien plus encore. D’une parenté vocale avec Stuart Staples et Sivert Høyem (compatriote et vocaliste de Madrugada) tout d’abord. Le chant est dès lors profond et profondément inspiré par des histoires d’amour et le souvenir de leurs traces (l’introductif et homonymique " If I Told You You Were Beautiful "). D’un éventail mélodique des plus larges ensuite, qui autorise un glissement sans heurt d’un titre à guitares boisées fin et racé (" By This Time Tomorrow " où la voix déchirante et classieuse de Karen Jo Fields seconde celle du grand Scandinave-on notera au passage que des milliers de groupes cèderaient leurs organes pour parvenir à ce degré d’excellence intimiste) vers des titres plus enlevés qui deviennent les invités permanents de notre platine (le single " Dancing In The Backyard "-dont il sera difficile de vous défaire et c’est tant mieux et qui conduit le groupe à devenir le meilleur groupe pop aux Grammy Awards norvégiens de 2002-ou encore "Learning The Game " où planent l’ombre des faux-frères Simon and Garfunkel). D’une homogénéité de construction et de production des titres enfin. On repère ainsi chacune des balises déclenchées ici et là par le fabuleux Jon Arild Stieng et son jeu de guitare immédiatement identifiable (" Oh Yeah ", " Smile At Everyone "). Songwriter d’exception (" So The Plane Fell Down And The Pilot Never Got To See/ The Hero He Became On International TV ") et singer lettré (deux hommages, l’un à Guided By Voices, l’autre à Buddy Holly ), Pål Angelskår signe ainsi, après le délicieux Up For You And I sorti l’an passé, un disque lumineux, juste et qui compte. On ne remerciera donc jamais assez Vicious Circle de de nous offrir pareil balade en pays scandinave...




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