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Ils doivent être rares ceux qui au soir de la découverte de « Vidéo Games » inscrivaient Lana Del Rey dans une temporalité supérieure à celle du single implacable. Dix ans après « Born to Die », Lana Del Rey est plus que vivante, faisant même son entrée dans la liste des songwriters américains, s’inscrivant dans une tradition que sa plastique pouvait interdire, tant le regard est parfois le modérateur piégeux de nos avis artistiques. Car si beaucoup voyaient en Lana la bimbo froide se rêvant sortant d’un Lynch vénéneux, ils peuvent désormais se rhabiller et retourner à leurs croyances moisies. Lana de Rey est une autrice compositrice qui grave dans l’instant des chansons pour l’éternité, se plongeant dans le blues comme si celui-ci était un endroit familier pour elle, mettant sa pâte sur une matière qui semblait vitrifiée dans une histoire déjà longue. Mais comme nous, le blues va se voir chamboulé par la divine Lana, lui préparant déjà une place dans un hall of fame qui n’en demandait pas tant. Les 11 morceaux éloignés du traitement des chansons séminales, sont forgés dans une épure qui n’est pas exempte d’une enluminure nous éloignant d’une forme de neurasthénie éprouvante et abjecte quand elle est le paravent du tire larme. Lane Del Rey chante ses tristesses, ses affres sans tomber dans le paupérisme, signant des chansons aussi grandioses que « Not All Who Wander Are Lost » (un modèle de production) mettant au service de ses chansons, un talent d’interprétation qui ne fait plus aucun doute. En couvrant les doutes extérieurs, en débit de sept albums, Lane Del Rey semble encore plus sereine, s’adoubant sans changer l’imagerie qui pouvait polluer sa musique, ne la reniant pas, la faisant évoluer, jouant avec la tradition d’une Amérique des espoirs. Car ce nouvel album de Lana Del Rey est une lettre d’amour à une Amérique qui s’est perdue et qui n’a pas le choix de se retrouver pour exister sans crainte. Elle donne à son projet musical une ambition nouvelle sans rien renier, chantant avec toujours autant de force de suggestion des mots de plus en plus forts. Définitivement dans le panthéon du songwriting américain.