Ils ne sont pas inconnus ces Rennais. Quatre de ses membres sévirent dans un passé pas si lointain sous le nom de Santa Cruz, groupe auteur de sept albums studio, qui participa au Volume 30 de nos compilations avec un morceau tiré d’Elvis in Acapulco (album sorti sur l’excellent label Les Disques Normal) en 2013. À l’époque, nous parlions de Will Oldham et des défunts Vic Chesnutt et Jason Molina, le groupe baignant dans un folk rock qui n’était pas éloigné de ses références.
Avec Beau Bandit, Pierre-Vital Gerard réalise un tête-à-queue (le virage serait un euphémisme.), un changement total d’univers et de style. C’est au cœur de l’album, non loin du prestidigitateur Houdini que PVG fait son coming out musical, clamant haut et fort qu’il est un fan de Bowie. Ne voyez pas pour autant en l’auteur de Blackstar une figure tutélaire de Middle Class Luxury à l’artwork magnifique, qui nous plonge dans une iconographie de l’Amérique des années 60, mais avec un gremlins dans la représentation parfaite de la famille au col de chemise parfait. C’est d’ailleurs une de ces bestioles qui dérèglent les morceaux de ce premier album. Disque pop mélodique à en crever , teinté de mélancolie, Middle Class Luxury est à l’image de certains morceaux de Eels, déréglé de l’intérieur sans que la première écoute ne puisse éveiller le moindre soupçon. L’indice qui nous incitera à remonter l’échelle du temps de notre écoute, c’est cette reprise de Bette Davis Eyes, incarnée par Kim Carnes (humour involontaire), et ici transportée dans un CBGB qui aurait connu un ravalement de façade sous la direction d’un James Murphy appliqué. Il sera alors évident que l’indolence de The Forest From The Trees cache un tube imparable, que The Big Kaboom est une chanson ancestrale sous des lambris neuf ou que Tell The Other Guy est en fait un titre que Lil Nas X va acheter sous le manteau pour l’enregistrer avec les fantômes de la Motown. Et des exemples comme ceux ci, il y a encore dans cet album, qui comme un lapin malicieux sort du chapeau ou non suivant la gestuelle du magicien. Dans un des titres qui clôt l’album, il est dit que les souvenirs ne s’achètent pas (You Don’t Buy Souvenirs), et je vous confirme que celui qui me rappellera l’écoute de cet album ne m’aura rien coûté, j’y aurait même gagné un grand moment de plaisir que personne n’aura volé, pas même ces bandits au grand cœur (All You People I’ve Never Seen comme ultime hameçon pour attraper le nôtre) Music Class Hero.