J’ai ce matin chroniqué un disque d’une médiocrité insondable – marre des productions hexagonales, je craque, j’abdique, j’abandonne : afin de me purger les oreilles et accompagner en musique mes cavalcades analytiques en terres budgétaires (black metal et comptabilité font très bon ménage), je me suis dit « Hey, Lester Bangs du pauvre, et si pour une fois tu te passais un disque mainstream ???!!! ». Adjugé ! J’ausculte les sorties de ces dernières semaines, pas grand-chose à se mettre sous la dent, on ne va pas se mentir, pour l’instant 2025 c’est la grosse dèche. Et non, je ne ferai pas semblant de m’intéresser aux récents FKA Twigs, Lady Gaga et autres The Weeknd : je laisse ça aux paresseux (« J’écoute de tout »), aux peureux (« J’ai tellement peur qu’on me dise que je ne suis pas ouvert d’esprit ») et aux snobs (« Vous n’avez rien compris, Beyoncé, c’est une situationniste »). Bref. Dans cette foule de disques plus anecdotiques les uns que les autres qui défilent sous mes yeux, magnétique, la pochette (signée Heidi Kosenius) du nouvel album des Finlandais de Havukruunu attire mon regard puis m’aspire : une chouette sur fond noir, promesse païenne d’un metal mélodique plongeant ses racines dans le black, Skyrim à 280 BPM ? Adjugé ! Tavastland narre la révolte, au 13ᵉ siècle, du clan finnois Hämäläiset contre la couronne de Suède et l’Église Catholique : en huit compositions et moins d’une heure, le quatuor formé en 2005 à Hausjärvi se livre à un ébouriffant exercice de style(s), qui rapidement me fera lever les sourcils de plaisir – c’est quoi ce truc ???!!! Rejoints aux chœurs et au violoncelle par Anna-Stina, Stefa et ses acolytes – Bootleg-Henkka (guitares), Humö (basse), Kostajainen (batterie) – s’en donnent à cœur (guerrier) pour brouiller les pistes et nous offrir des morceaux puissants et complexes. Si l’on retrouve sur Tavastland les marqueurs du pagan metal (nappes mélodieuses, chœurs volontaristes, pincée de folk) et du black metal (batterie épileptique, suite d’accords en mineur, voix gutturale noyée de réverbération), les instrus se voient infusés de gros riffs heavy metal, de tunnels prog metal symphoniques (Unissakävijä) et de solos hard rock à la limite de l’incongruité (le tapping héroïque sur Havukruunu ja Talvenvarjo – Joe Satriani chez les Vikings) : une fois la surprise initiale passée, ça fonctionne hyper bien.