Eiffel nous avait laissé sans nouvelle, enfin si une mauvaise, la fin du groupe, tué par le jeu d’un label gérant ses ressources artistiques comme on utilise son carnet d’adresse chez Manpower. Nous nous étions fait à l’idée, Romain Humeau deviendrait le penchant féminin d’Edith Fambuena après le split des valentins (il faudra un jour se poser sur la carrière trop éclair de ce groupe), un arrangeur, un producteur, mais un homme de l’ombre. Mais le poing en l’air, comme pour éviter aux cons de lui écraser la tête, Romain revient avec son gang, comme sur ce nouvel hymne de la rue enfin réveillée, le tendre et révolutionnaire, dans sa version la plus romantique, « A Tout Moment La Rue », morceau qui s’écoute en marchant, la rue libre d’obstacle pouvant couper cet élan. Qu’il est bon d’entendre ces chansons qui ne témoignent pas de leur époque avec un micro HF, mais plutôt avec une attitude lunaire et poétique, celle des sentiments et de la beauté des mots. Les chansons sont là comme elles viennent, comme une purge soignée à des affres qui ne construisent que de la rage et des envies de déchirer la peau afin de voir ce qu’il peut bien s’y passer. Eiffel est un vrai et un grand groupe de rock en français, un rock qui sait porter de la poésie en français sans pour autant demander un titre de séjour dans la perfide Albion. Universalité, révolution à entamer, et pour tout cela l’amour avant tout comme ciment, même s’il faut cracher et racler sa gorge pour qu’il ne crève pas. Un vrai disque de désirs.