La joie était déjà immense. Pouvoir enfin compter Syd Matters sur le générique de mes compilations. Une chose qui s’imposait, Syd Matters ayant été le premier énorme coup de cœur d’ADA avec Angil, à l’époque où ces deux magiciens n’oeuvraient que dans un anonymat que des démos lumineuses ne pouvaient longtemps supporter.
Si les chemins avaient fini par ne plus épouser un parallélisme parfait, c’est que la dernière production de Jonathan et sa bande avait laissé un goût étrange, comme si l’humilité avait laissé place à des prétentions qui ne peuvent que mener au fond des océans les navigateurs à l’horizon flouté. Et puis le miracle « Hi-Life » est arrivé, une bouteille à la mer, un feu de détresse, ou plus surement, un changement de cap absolu, abandonnant les cartes, l’appel des sirènes, tel un Moitessier des grandes envolés sonores, posant ses instruments sur une ile nouvelle et lumineuse. Et le miracle se produira tout au long de l’album. On pourra toujours pinailler sur « A Roberry » et sa ritournelle déjà pas mal utilisée chez Syd, pour ne retenir que des moments stupéfiants de beauté. Les mélodies sont emmenées loin dans les sommets, et nous avec, ne voulant plus jamais descendre. Magnifié par un sens des arrangements à rendre jaloux un Michelangelo di Lodovico Buonarroti Simoni, « Brotherocean » est un pur moment de grâce qui ne se croise peut être plus nulle part, mais normal car Syd Matters est parti loin, très loin. Onirique sans tomber dans la niaiserie, le groupe convoque les plus grands (« We Are Invisible » va faire des jaloux pendant les trois prochains millénaires) interdit de s’interdire (je vous parle d ‘une révolution) quoique ce soit même de se répéter, ne bégayant jamais. Il aura certainement fallu des sacrifices pour en arriver là, on ne lache pas tout sans laisser des larmes comme unique missive recevable, on ne traverse pas des chemins tortueux sans écrire « River Sister » et sa proximité avec une rédemption, ou une nouvelle naissance.
Avec une ancre on peut très bien ne plus jamais voyager et connaître le frisson de la mer dans un état végétatif. L’ancre, Syd Matters l’a abandonné aux fonds des océans. Il se dirige maintenant avec des souffles dionysiaques, avance au grés de ses inspirations nombreuses, prend la beauté comme unique otage d’une ballade au long cours. Il nous faudra des années pour tout retrouver de ce carnet de route (Beaucoup vont perdre leur latin en essayant de décoder « Lost ») car Syd Matters a quitté nos radars les plus puissant, même Radiohead pourrait se voir confier une réforme de la retraite, car on ne poursuit pas le géni, on donne son nom à un élément gigantesque. L’océan ravageur de Syd Matters.