> Critiques > Disque de Chevet



Il y a très peu de disques dont je peux dire "il y a un avant et un après". Celui-ci en est un de taille : 2003, mon meilleur pote (Cédric Fagotto, j’espère au moins que tu liras ça vieux frère) se pointe à la maison avec un petit sourire, met le disque sur ma platine et dis "installe-toi tranquille, écoute-ça, c’est juste ce qu’il te faut". J’ai le droit à mon russe blanc en plus !

La musique démarre, son de lapsteel superbe (instrument auquel je me mettrais direct après). En soi l’album n’a rien de révolutionnaire, c’est du songwriting aux images très americana, mais un truc se détache, cette voix d’ange d’une honnêteté inégalable, d’une justesse émotionnelle folle. Je suis tombé dedans, et malheureusement c’est un triste anniversaire car pour les 10 ans de ce dernier album sous le nom de Songs : Ohia, Jason Molina nous abandonne...farewell transmission.

En fait cet album cristallise beaucoup de ce que j’aimais ailleurs. Chaque morceau est une œuvre majeure, et au delà de tout, c’est grâce à (ou à cause de héhé) ce disque que je me suis décidé à composer, et ça dure depuis. Si The Who m’a donné le déclic pour faire de la musique, c’est Jason Molina et plus particulièrement cet album (suivi de près par Ghost Tropic) qui m’a mis la claque nécessaire pour avoir envie d’en composer, textes aussi. Il va sans dire qu’après ce disque j’ai acquis toute la discographie.

Mais revenons à nos hibous, Steve Albini fait ici des miracles tant le son sert la simplicité de l’ensemble, son évidence. L’impression d’errer sur la route 66 (I stole on 66 highway brrrrr dans "John Henry split my heart") en train de compenser la sécheresse des lieux désertiques par des larmes paradoxales, heureux de ressentir une si belle tristesse, le spleen américain, le blues, la mélancolie d’un type qui chante "I’ve been riding with the ghost" aux chœurs qui sont une magnifique litanie americana dont je fais ma religion.

Et que dire de cette somptueuse intervention de Scout Niblett sur l’émouvant "Peoria lunch box blues" que j’ai découverte à cette occasion ? Un titre qui met à genoux. En somme un disque qui a tout changé, et qui m’a permis de creuser ailleurs (j’étais encore essentiellement métallisé, hormis mon éternelle et aveugle adoration pour Neil Young bien sûr). D’ailleurs c’est peut être aussi cette impression d’entendre le descendant ou le fils spirituel du loner qui m’a retourné. Celui que le mythique Neil Young n’arrive plus vraiment être (ô mon Dieu pardonnez-moi cet égarement critique).

C’est l’âme derrière tout ça qui enchantait le tout, oui qui enchantait car tout est question de magie chez Jason Molina. Ce liant qui fait que ses histoires personnelles, ses désillusions, portent le poids de toute la tristesse humaine. Avec son air de rien qui fait tout, loin au dessus de tous ces faux barbus bien proprets regardant des étoiles qu’ils n’atteindront jamais, celles sur lesquelles Jason doit aujourd’hui composer la b.o d’un paradis gris et triste, brumeux, donnant de la joie à l’infinie tristesse. Jason semblait porter toute la solitude du monde. Il suffit d’écouter "Hold on magnolia" pour le croire.

C’est bizarre, mais avec lui trois accords deviennent un hymne éternel qu’on pourrait décliner pendant une heure, j’en suis persuadé à chaque fois que j’écoute "The old black hen" avec sa voix plus grave que jamais, habitée. Avec cet album il met fin à Songs Ohia et présente la suite, le groupe Magnolia Electric Co, qui aura une production différente, une vision plus centrée.

Voilà pourquoi ce disque ne me lasse jamais, après dix ans d’écoutes intensives. Parce qu’il est arrivé chez moi avec son air de rien, simplement, est entré dans mon cœur et m’a fait comprendre que seule compte l’intention....Just be simple.




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