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  • 30 août 2013 /
    James
    “Laid (1993)” (Fontana)

    rédigé par gdo
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L’accueil de cet album, et plus largement de ce groupe reste pour moi une énigme qui n’a d’égal que l’amour que je peux porter à ces chansons. En plus d’un attachement pour le disque pour sa qualité, « Laid » résonne chez moi comme l’un des points de départ d’une histoire que je ne souhaite jamais voir finir.

Toujours étudiant, je cumulais en plus la fonction d’amoureux transi, ressemblant plus à cette époque à un rocker lunaire qu’a un punk envoyé sur terre pour essayer de faire peter le système dans lequel il se complait à vivre. Et oui, je suis amoureux quand « Laid » et celle qui deviendra mon épouse sait que j’aime Tim Booth et sa bande. Certes elle savait aussi que « Seven » m’avait fait froid dans le dos, craignant de voir arriver ce que beaucoup de chroniqueurs rock présageaient, que James serait le prochain U2 à la place de U2.

Quand la nouvelle tombait via le NME (eh oui les jeunes pas d’internet à l’époque) et via Lenoir que le nouveau James était produit par Brian Eno, cinquième membre de U2 quand Daniel Lanois est en vacances, je me disais patatra (ou patate raz je sais plus). Mais pas de chance pour James, les Irlandais sont dans leur meilleure période, sortant en deux ans deux très bons albums, « Achtung Baby » et « Zooropa » quittant par la même leur côté témoin de Jéhovah horripilant.

C’est dans ce contexte pendant lequel j’avais envie de me mettre au cuir directement sur la peau avec des lunettes imitant les yeux d’une mouche, qu’un matin, alors que les cartons du mardi (les sorties c’étaient le mardi à cette époque les jeunes) venaient à peine d’être livrés chez un des disquaires de Reims, ma tendre s’était empressée d’acheter ce disque avec cette drôle de pochette, me sachant encore au lit à cette heure. Puis je l’imagine encore traversant la ville comme une fée diabolique ne me sortant pas du sommeil pendant qu’elle comblait la distance géographique. Quand elle arriva dans mon grand appartement (deux pièces), elle me demanda un café, m’embrassa et me donna ce disque et sa drôle de pochette. J’avais gardé le suspens, coupant Lenoir quand il diffusait un titre, connaissant pour le coup pas mal d’introductions, coupant dés que la voix de Tim se faisant entendre ou quand Bernard annonçait le titre avant. C’est donc vierge de tout que j’allais découvrir ce présent, qui ne me condamnait pas à l’aimer, même si un cd comme cadeau était une marque d’amour, car en dépits de nos jobs d’été et de la générosité mesurée de nos parents, il fallait savoir compter si on voulait pouvoir se mettre sur le dos un jour par semaine au Tigre ou encore se payer une place de concert pour l’Usine. L’émerveillement viendra rapidement, les chansons s’enchainant naturellement, comme si la fin d’une appelait l’autre et ainsi de suite. La voix de Tim Booth était magnifique. Ce fou, dingue, malade, derviche tourneur gauche, boule d’émotion qui vous claque à la tronche pour peu que vous soyez sensible à ce timbre et cette façon de poser la voix. La basse et la batterie semblait être dans mon appartement, et les guitares, elles si puantes sur « Seven » redevenaient des complices d’une vie, Alors avec le temps des titres finissaient par se détacher, un même se détachera pour l’éternité, étant mon meilleur single de tout les temps quand on pose la question façon père fourrasse dans Fort Boyard. « Sometimes » est un chanson folle, chanson qui fera dire à Brian Eno que c’était le meilleur morceau sur lequel il avait bossé. « Sometimes » est une boucle, LE TITRE parfait pour Tim Booth, passant de la folie à la transe et nous filant à chaque instant le frisson, l’émotion comme moyen de communiquer. Je chante encore 20 ans après le refrain en croisant le regard de celle qui est mon épouse.

Que dire de plus, que les démos qui sortiront sous le nom de « Wah Wah », plutôt chutes de studio que démo d’ailleurs, confirmeront que James avait le feu, et on ne peut s’empêcher de penser que comme pour U2, Eno est certainement un pyromane de géni, sachant emmener des groupes là ou le meilleur est.

« Laid » est donc un des grands oubliés des classements fêtant les années 90, peut être parce que ce chanteur avait une tête d’ange démoniaque, peut être car les fêlures que cette musique crée faisant craindre à l’auditeur de tomber dans un abysse aux parois joliment recouverte de velours. « Laid » est un bijou pop rock, l’apogée artistique d’un groupe qui méritait mieux que l’ombre et sa réputation de vendeur de T shirt. Un contrat pour la vie.




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