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Un mystère Johnny Marr persistait : comment un jeune homme d’à peine dix-huit ans avait-il pu concevoir le plus grand groupe des années 80, et par extension l’un des plus décisifs, admirés et influents du XX e siècle ? Jusqu’à faire de Johnny, à un âge où l’on s’interroge encore sur l’avenir, « le meilleur guitariste de sa génération » puis, à notre sens, « le meilleur guitariste de tous les temps ».

Une affaire d’obsession précoce : à cinq ans, John Martin Maher est littéralement subjugué par une guitare miniature en bois derrière la vitrine d’une épicerie mancunienne. Pour certains enfants, ce sont les trains électriques. Pour Johnny, ce sera les grattes, puis le rock et la pop.

L’enfance de Johnny Marr demeurait nébuleuse, même si nous savions que le jeune homme, à la vitesse de l’éclair, pouvait reproduire à la guitare n’importe quelles chansons de Marc Bolan ou Bowie – alors qu’il n’était encore qu’au collège. Cette autobiographie, d’une belle écriture modeste, dévoile l’illumination soudaine d’un enfant : il sera guitariste, point barre ! Parce que les Rolling Stones, parce qu’une guitare est le plus bel objet au monde et qu’elle symbolise la liberté de vivre loin des contingences du réel.

Pas question de limiter Johnny aux Smiths, mais lorsque j’ai entendu pour la première fois les sonorités de Hand in Glove, What Difference Does It Make ? et This Charming Man, j’étais à la fois abasourdi, excité par ce que je percevais, tout en me disant que cela ne ressemblait à rien de connu – j’étais certes encore môme. Puis, me perdant dans les albums des Smiths, je me demandais comment ce mec, Johnny Marr, pouvait-il, dans une même chanson, fusionner le funk au punk, le rockabilly au glam, la pop au folk. Encore aujourd’hui, je peux réécouter certains albums des Smiths, et je ne comprends toujours pas. C’est totalement intemporel, cela prend au cœur, mais cela s’analyse avec difficulté.

Probablement car Johnny, à force de décortiquer les chansons de TOUS les groupes, prit très vite conscience qu’il lui fallait un style propre, une façon bien à lui d’utiliser TOUTES les marques de guitares. Dans un passage de Set The Boy Free, Johnny, encore dans l’apprentissage de son instrument, expérimente une technique alliant le rock à l’acoustique, et l’un de ses potes, l’entendant jouer, lui demande s’il s’agit d’une reprise des Stooges. « De qui », l’interroge Johnny ? « D’Iggy and The Stooges », lui répond son ami. Ne connaissant pas encore Iggy Pop, Johnny part donc à la recherche du vinyle Raw Power. Et lorsqu’il entend le titre Gimme Danger pour la première fois, Johnny doit se rendre à l’évidence : le jeu de James Williamson correspond à la petite musique qu’il avait en tête. Johnny Genius.

Une grande partie du bouquin concerne évidemment les Smiths. Et lire, des propres mots de Johnny, LA rencontre avec Morrissey procure une émotion intense. Mais les fans des Smiths n’apprendront rien de particulier. Tout a déjà été dit, commenté, décortiqué sur l’association Morrissey / Marr, et Johnny corrobore certains faits, donne sa version des choses, mais n’en rajoute pas trop. Tant mieux.

Le meilleur de Set The Boy Free concerne ce moment où Johnny, après la rupture Smiths, jouait avec Bryan Ferry, Chrissie Hynde, les Talking Heads, puis s’associait à Matt Johnson pour deux très grands disques de The The (Mind Bomb et Dusk). Une période peu analysée, qui nous intriguait néanmoins depuis toujours.

Nous découvrons ici un jeune musicien (Johnny n’a que vingt-quatre ans à cette époque !) qui reçoit des appels téléphoniques de Keith Richards et de Paul McCartney lui demandant de venir jouer avec eux. Un rêve d’enfance ! Une vie parfaite !

De même, nous ne savions pas grand-chose des conditions ayant façonné Electronic (avec Barney), des fructueuses associations (le mot est faible) avec Modest Mouse et The Cribs.

Set The Boy Free plait beaucoup pour cela : Johnny Marr, très jeune au moment de la séparation des Smiths, y exprime le parcours d’un fan de musique rencontrant ensuite ses idoles. La trajectoire d’un perfectionniste toujours assoiffé par la technique, puis d’un père de famille décidant, par hasard, de sortir des albums sous son propre nom (avec le succès que l’on sait).

Nous retenons également de ce beau livre l’attachement de Johnny envers le cercle amical, envers une famille de musiciens « frères et sœurs » : Bert Jansch, Modest Mouse, The Cribs, Andy Rourke, Chrissie Hynde, Noel Gallagher, Neil et Chris des Pet Shop Boys, Barney Sumner, et surtout Kirsty MacColl (dont le passage le plus déchirant de Set The Boy Free lui appartient).




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