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Il y a quatre ans Sharon

Douze saisons, Sharon

Que vous me prirent par la main

« Viens, j’ai du venin »

Everytime the sun…

C’était pour briser l’un

Reste ce qui restait d’humain.

Autour il n’y a plus rien

Sinon le subtil acide

Sous les pieds le vide

Sous la vie le besoin

Chère âme Van Etten

Comment ne pas aimer

Celle qui vous a délié

D’une voix froissée

Le faux du vrai

Comment ne pas renaitre

Puisqu’il faut être

Dans les bras griffés et nus

Des musiques crues

« Viens, j’ai du mal pour toi »

Je viens, croyant en toi

Comme innocent au bourreau

Puisque le venin est si beau

Retrouver ton flambeau

« Remind me tomorrow »

Sharon pourrait être une déesse de l’atmosphère rock, mais elle préfère la détresse des minorités, ne respire qu’après l’apnée, torture sa vie, et c’est pour cela que le nectar qu’elle en extraie est lumineux, rugueusement lumineux. Et si son monde parait s’éclaircir, elle s’enfouie (s’enfuie ?) a nouveau dans la nostalgie de son vécu, cette biographie hirsute, sauvage et indomptable qui a créer la bête. Ici vient son ode, son hymne particulier a cet hier qui n’arrive à voir le jour, ni n’a de lendemain, raclant sa gorge comme une peine, ces rues qui s’abandonnent, ces âges qui passent, ces éphémères qui ne durent que l’instant de vie, ces mots qui ne se prononcent plus pareil. Sharon pourrait être une déesse, la sœur étrange de PJ. Harvey, fille de Stevie Nicks, la face humaine de Patti, au hall of fame du rock, on la trouvera chantant entre le déchiré et optimiste “The road" d’une Emmylou Harris blessée et les vapeurs d’alcool moribond du " Drunken angel"de Lucinda Williams dans toute sa clarté. Elles hantent toutes son travail, l’art de Sharon se trouve donc quelque part entre l’écorce et le coton, puisque les deux sont protection, mais tout autant dans le béton et le chimique, puisque les deux sont érosions. La thématique se Sharon est la blessure, sans doute, la plaie, comment la panser, la penser, la prose et la parler, comment la souffrir, et comment la soigner. Je me souviens de l’amour que j’avais pour Maria McKee et ses Lone Justice (et le plus sexuel amour pour Alannha Myles), je me souviens de ce "Wise up" d’Aimee Man, de cette image triste d’une Amérique puérilement immense, surement une idée que la naïve et romantique jeunesse a éduquée, mais cet imaginaire vient choquer ici sur la poésie de la réalité, sur le fait concret du malaise, de la nostalgie, du souvenir trop étroit pour pouvoir s’en échapper, de ces 16 ans, de ces villes, cités inhumainement énormes, qui cachent les plaines de Lone Justice et polluent Aimee. Là se rebelle Sharon, écorce et coton, là elle pousse son cris, là elle écrit son chant.

Il lui a fallu quatre ans pour enfiler les perles dans le câble a haute tension autour du cou, se rendre compte des fractures et boutures, trouver la justesse de chaque narration, l’envelopper de cette délicatesse précise qu’a la violence de la mémoire. On parle de son « tendre courage », de sa « timide blessure », et tout cela est vrai, cette femme vouée a la composition calme, qu’importe le temps qu’il faut pour construire son nid, prends le temps de se parler, de juger ce qui peut s’avouer, et ce qui n’est qu’a elle, pourtant il n’y a de retenues, il n’y a aucun vide laissé au hasard, sa voix sensible, calme et courbe avoue le court des fêlures sur ses joues, la route suivie par l’âme jusqu’à la nudité Springsteeniene du récit (No one’s easy to love serait bien signé par le boss époque Nebraska), mais Sharon va un peu plus loin, ne restant pas accrochée a ce rock pur et dur, elle émancipe ses sons, exile ses harmonies au-delà du dogme rock américain, et profite de ses études de psychologie pour titiller les fonds de son crâne, quasi shaman, quasi prêtresse. Déesse latente, trop peu présente (mais ne se gâcherait-elle pas en étant trop là ?), Sharon nous offre un disque de ceux que je nomme compact, d’où il est impossible d’ôter un seul titre, sauter une chanson serait détruire l’édifice bâti d’un accident a l’autre de la vie, et l’on sait que l’art nait de l’accident, un disque qui remue les trippes depuis l’imagerie qu’il propose, cette puissance sournoise qu’ont les compositions et le non moins fort tranchant qu’ont les lettres, tout en restant un rock Us facile d’écoute, de ces choses que les ricains ont l’art du savoir-faire, qui avec pas plus qu’une émotion, vous touchent le long du disque, et même au silence suivant, alors imaginez-vous




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