Quatrième album pour les lausannois de Meril Wubslin – soit Valérie Niederoest (chanteuse guitariste des défunts Toboggan) et Christian Garcia-Gaucher (compositeur et metteur en scène au sein du collectif Velma), accompagnés par le batteur bruxellois David Costenaro (Secte). Hébergés depuis le remarqué Alors Quoi (2021) par le vénérable label Les Disques Bongo Joe, les Meril Wubslin ont pris leurs quartiers dans le sud de Londres pour peaufiner les neuf titres de Faire Ça, enregistrés en son studio de Lewisham par le producteur Giles Kwakeulati King-Ashong (aka Kwake Bass), collaborateur de longue date de Kae Tempest et garant d’un groove avant-gardiste, fluide et néanmoins belliqueux, qui dans le mixage met à l’honneur des percussions à la fois charnelles et cold : ce passionnant parti-pris fait de la rythmique un singulier trait d’union entre les velléités folk lo-fi des opus précédents et la quête de renouvellement artistique d’un groupe qui jamais ne se reposera sur une formule établie. Dont acte : lancinante mélopée à la beauté spectrale portée par des guitares hypnotiques et le chant désabusé de Valérie, Un calme instaure dès l’ouverture du disque une atmosphère cotonneuse, qui s’étire et s’étiole sur l’organique Tout est curieux et ses refrains bien sentis, merveille de composition désengagée sur laquelle, dans la réverbération, sans hâte, le flow de Christian s’ébroue. Plus loin, caisse claire en avant, boucle de guitare, légères dissonances, gouttes de claviers, quelques stridences, Grands espaces rappelle en creux la jeune Cat Power, quand elle se souciait encore de rock, mais également cette façon qu’a Kim Gordon de laisser transparaître en une simple ligne mélodique monotone la rage froide qui tient le monde à distance – s’agirait-il de post-country ? En effet, enregistré à l’os, le bourdonnant La main semble puiser ses racines dans un folklore ambidextre, partagé entre l’Auvergne de Sourdure et l’immarcescible americana qui depuis Hank Williams nourrit nos imaginaires fertiles ; il en va de même sur Tout passe et Pas là, sur lequel on croirait entendre un (rollin’) train, ou un cheval au galop. C’est toute la force patiente de Meril Wubslin : se poster à la croisée des chemins, entre tradition et expérimentation (Famille phare), hier, aujourd’hui et demain, laisser infuser, ne rien s’interdire, tout choisir, guidé par un chant intérieur puissant. Sur le contemplatif Les pensées, à la lisière du cantique, la voix de Valérie, apaisée mais chargée d’émotions contradictoires, met en lumière le soin apporté au chant et aux polyphonies : à l’instar des percussions, les mélodies en ressortent grandies et amplifient ce qu’elles portent en elles de poignant. L’album se termine sur un incandescent L’eau monte, acoustique mais baigné de transe, de trance voire de jungle : en Suisse, ça vrille, ça gratte, ça crisse, l’eau monte, ça craint, ça grogne, ça cogne, que devons-nous faire ? Faire ça, nous répondent – clin d’œil à l’appui – les géniaux Meril Wubslin.