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  • décembre 2005 /
    Quincannon
    Quincannon par eux-mêmes

    réalisée par gdo

Album passionnant de cette année 2005, homeless stars, never late... nous a laissé plus d’une fois avec pas mal de questions sur le sujet ou encore sur les accidents multiples. Qui donc plus que Henri Jean Debon pouvait nous éclaircir sur cet opus de Quincannon. Une explication pour un disque d’exception

LEGEND

— Premier morceau composé pour l’album. Le sujet n’est pas particulièrement original, c’est la propension au bonheur. La légende du titre, c’est lui. En même temps, le rapport qui s’établit est le suivant : si c’est une légende, c’est…de bonne guerre. Ça aurait pu s’appeler " (I can get) Satisfaction ". " Legend ", c’était aussi une manière d’en finir avec les morceaux trop alambiqués, d’aller au plus loin du collage, jusqu’au medley presque, avant de tourner la page, pour se lancer dans l’effort de concision et dans cette fameuse simplicité, ce qui ne veut rien dire d’ailleurs.

DIDN’T I SAY

— Le sujet est le même, sauf qu’après s’être fait l’avocat du diable, notre magistrat change de camp. Aucune ironie, aucun second degré. À l’origine, le morceau est composé un octave plus bas à la voix. Dans les groupes de rock, il arrive souvent, pathétiquement, que les chanteurs en viennent à se plaindre du boucan alentour, à se plaindre du fait qu’il faille " avoiner ". Ici, s’il n’avait pas fallu se faire entendre, le morceau n’aurait jamais existé. C’est un octave pour le moins inconfortable, mais le seul qui vaille la peine pour ce qu’il y avait à dire : nous pourrions n’être que joie.

SUPERFRIENDS

— Les Violent Femmes traînent sans doute quelque part par là. Malgré le côté enjoué du morceau, le ciel s’assombrit. En même temps il est question, entre autres, de considérer ses amis en super-héros, de voir leurs gestes simples, leurs silences, comme des super-pouvoirs. C’est un peu débile, mais le texte est très digressif entre les refrains. Le narrateur est déconcentré, mais imperturbable, toujours persuadé qu’il raconte une histoire alors que parfois ça n’a ni queue ni tête. Le morceau s’est écrit comme ça, dans cet état-là, et à l’arrivée l’humeur navigue constamment entre la vigueur et… l’exaspèration.

GENTLEMEN IN HELL

— Il y a ce ré mineur septième dont on a usé et abusé. Par contre il y a ce rythme de batterie, aux temps un peu agressifs, et qui a emmené le morceau ailleurs, qui l’a enrichi. Le texte est métal à sa manière : s’il s’avérait que nous étions ici en enfer, que ferions-nous, à quoi nous accrocherions nous ?

I SHADOW YOU

— Je ne voulais pas chanter ce morceau, je voulais que quelqu’un d’autre s’y colle, et s’adresse au chanteur : " J’ai jamais dit que c’était pas un travail pour moi, mais je le ferais tellement bien que tu serais viré sur-le-champ. ". J’ai essayé avec Babeth de Dionysos, et puis avec une autre amie, mais ça ne marchait pas. Si ma voix a une qualité, c’est sa " saleté ", surtout dans les gammes un peu douces. Là, les voix des filles étaient trop pures . Alors pour le texte ça change tout, le fait de ne pas s’adresser au " chanteur ", ça devient incantatoire, mais pourquoi pas après tout…

A TRIUMPH

— J’ai toujours pensé que le morceau était inspiré par " Programme ", au passage meilleur groupe de rock en France, toutes périodes confondues (avec les Witches Valley). Cela dit, mis à part la note unique et la voix blanche, le lien est un peu abstrait. Le morceau est tantôt ridicule, tantôt impressionnant, toute la fin par exemple, la voix de la petite fille qui est effrayante, et celle de Juliette qui est très belle. DEAN Cover d’un traditionnel que Dean Martin a rendu célèbre. L’intérêt principal de la reprise est rythmique, à savoir la batterie un peu house quand le morceau démarre. Le chant est nul, mais il y a de très beaux accords de guitare lead, certains même qui n’existent pas. Merci Protools, vraiment. Et puis cette histoire d’oreiller, j’y crois, j’ai eu moi-même des aventures et des mésaventures avec des taies et des tailles d’oreiller. Une chanson à suivre sans doute.

STAYING ALIVE

— C’est un peu " Les tribulations d’un chinois en Chine ", dans une version plus romantique : un couple s’est juré de se donner la mort ensemble, dès que l’un des deux n’en pourrait plus. Alors voilà un soir l’homme rentre chez lui, la femme l’attend, elle est prête. Lui évidemment l’est beaucoup moins.

IT’S A CONTEST SONG

— Il y a deux formations différentes de Quincannon sur cet album (quatre en fait, mais faisons court), et ce morceau est à cheval entre les deux. Le gimmick de guitare de l’intro est de Claude, notre ancien batteur. Les premiers éléments de batterie sont de moi, je m’étais mis à la batterie. La ligne de chant est venue à la batterie, sans doute le meilleur instrument d’ailleurs pour en composer. Ma voix partait en sucettes à ce moment-là, ça s’est empiré depuis, mais ce déclin est à l’origine des lignes " castra " du centre du morceau. Tout là-haut je n’avais plus qu’un petit filet suintant, et ce fut un vrai plaisir que de demander à toute la gente féminine alentour de le reproduire.

NEW-YORK CALLING

— On ne dit jamais d’où viennent les samples, et ce n’est pas non plus un jeu pour en découvrir l’origine. Une fois qu’ils sont dans le morceau, ils appartiennent au morceau et c’est tout. Il n’y a pas de notion de citation et d’hommage. Juste du vol pur et simple. À propos de vol : est-ce notre chanson à nous sur le 11 septembre ? Peut-être bien.

SICK SICK SICK

— Je dirais que le morceau vient de Pavement, vraiment. Quand Quincannon a commencé, Caroline (la guitariste d’origine) et moi-même ne jurions que par les Witches Valley. Nous traînions pas mal avec Jeremy, leur chanteur, qui était obsédé par l’idée de jouer le plus vite possible et le plus tendu possible. Et puis Pavement et Palace sont arrivés. Et avec eux cette idée qu’une certaine mollesse, voire une lenteur extrême - sur " Arise therefore " il y a des morceaux tellement lents, on a l’impression qu’ils vont s’arrêter après chaque accord - pouvait être plus violente encore. Ce trajet entre les deux extrêmes a été très important pour Quincannon. " Sick sick sick’s the doc stuck in our world " relate les tourments et les attermoiements d’un docteur, qui n’est autre que le diable.

SANITÉ DÉDÉ

— Peut-être ma chanson préférée de l’album, certaines guitares à la fin me tirent les larmes. Il s’agit d’une rencontre, fin 19ème, entre Marie Laveau, la première prêtresse vaudou americaine, qui fut aussi la première femme d’affaires dans le vaudou, et un jeune garçon un peu chaud à ses yeux, et avec qui…elle négocie. C’est le premier morceau composé avec la dernière formation de Quincannon, et on sent un investissement et une envie qui sont propres aux premières fois. Le morceau devait d’ailleurs ouvrir l’album.

MY FAVORITE DARLING GIRL

— Difficile d’imaginer plus mauvaise idée que celle qui consisterait à reprendre son chanteur préféré, son idole absolue… Trop mauvaise idée pour nous, c’est ce que je veux dire. Non, je travaillais sur mon 4-pistes et je suis tombé sur les accords, c’était comme un déchiffrage en direct, avec uniquement l’immense plaisir de jouer ça, pas une seconde l’idée de le garder. C’est plutôt en réécoutant, j’ai eu envie de le décorer, avec ces samples notamment, qui inscrivent le morceau pas seulement dans une lignée Beatles mais plutôt dans la country jazz à la Jimmie Rodgers, dont eux-même se sont pas mal inspirés sur le tard. Et puis il y a autre chose que j’ai entendu en le réécoutant. J’hésite vraiment à le dire. Allez, tuons un peu le père : peut-être est-ce dû encore une fois à l’inconfortabilité de l’octave, je trouve qu’il y a là dans le chant une joie et une énergie peut-être décuplée par rapport à l’original. Le talent en moins bien sûr, mais quand même… Voilà, c’est dit.



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