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Le premier mérite de Primal Scream est de… toujours exister ! Que l’on aime ou déteste Bobby Gillespie, qui de l’époque Creation (sans même parler des feux de paille C86) peut-il aujourd’hui se vanter de faire encore l’événement ? My Bloody Valentine ? Kevin Shields semble dorénavant parti pour sortir tous les vingt ans un dopplegänger de « Loveless ». House of Love ? Guy Chadwick n’intéresse à présent que les nostalgiques de la première heure. Non, il faut l’admettre : Primal Scream, malgré quelques erreurs de parcours, reste toujours une sacrée machine à décrasser les oreilles et à combler son éternel fan-club acquis à la cause (à la dose ?). C’est que Bobby Gillespie mène la barque Primal Scream avec une intelligence rare. Conscient que les premières influences twee pop du groupe ne pouvaient qu’assimiler les écossais à une école condamnée à ne pas faire de vieux os (la compile C86), Bobby, les yeux globuleux, se jeta sans opportunisme dans l’acid-house pour en récolter un disque intemporel, sans doute l’un des plus décisifs de la décennie 90 (« Screamadelica », bien sûr). La sagesse aurait incité Primal Scream à poursuivre plus en avant dans la direction ecstasy, mais non : à partir du pataud « Give Out But Don’t Give Up », aucun disque de Primal Scream ne ressembla aux précédents ni aux suivants.

Ainsi, après le dub (« Vanishing Point »), l’indus (« XTRMNTR »), le krautrock (« Evil Heat ») et la pop (« Beautiful Future ») selon Primal Scream, voici… heu, voici quoi, en fait ? « More Light », album aussi fascinant qu’assourdissant, déclaration guérilla qui n’en fait qu’à sa tête, une kalachnikov qui entend bien vous dézinguer, vous détruire les neurones avant de vous relâcher, tout penaud, en quête d’apaisement (à la production de ce maelstrom furibard, David Holmes, que l’on a connu plus tendre, s’est visiblement éclaté – dans tous les sens du terme).

Difficile à dire, sur « More Light », où s’achève le génie et où démarre la folie des grandeurs ; mais finalement qu’importe : avant de se sentir totalement lobotomiser par cet album aussi amical qu’un drone fonçant mécaniquement vers sa cible, il faut aujourd’hui admettre que Bobby et sa bande (moins Mani, parti rejoindre les Stone Roses) s’autorisent toutes les folies, toutes les aberrations possibles : un titre psychédélico-électro-punk-indus de neuf minutes en guise de hors d’œuvre (monstrueux, au sens premier du mot, « 2013 »), et puis des saxos aussi immondes que gonflés, des pauses « musique classique » (what !?), des dérives méchamment destroy (chez Primal Scream, les guitares n’ont dorénavant plus rien à envier aux Stooges), des (fausses) accalmies desquelles surgissent soudainement des embardées banjo ou des slogans vocaux façon « la guerre est déclarée ».

Primal Scream est un groupe insoumis, libre et anarchiste, une sorte de rouleau compresseur qui s’entête à creuser un sillon incertain dont lui seul détiendrait la formule non pas magique mais démoniaque. Mélange aussi abrutissant que furieusement détonnant entre les Stones et Alester Crowley, entre Neu ! et Iggy Pop, entre du cachemire flambant neuf et une chemise folklorique grillée au fer à repasser, Primal Scream, avec ce « More Light » peut-être bien éternel, n’appartient décidemment pas à notre époque, ni à aucune autre…

L’intemporalité actuelle de Primal Scream fait-elle de « More Light » un grand disque ? Difficile à dire… Autant « Evil Heat » et « Beautiful Future » charmaient sur quelques titres mais laissaient dubitatif sur la longueur (on sentait quand même Primal Scream soucieux de balancer quelques grandes chansons puis de colmater les brèches avec désinvolture), autant « More Light » est très certainement le plus inventif et inacceptable des Primal Scream depuis « XTRMNTR ». Disque de combat, en opposition (contre qui ? Contre quoi ? Qu’importe), à prendre ou à laisser… On prend !




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