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L’autre jour, j’étais à la terrasse ensoleillée de ce café en ce retour d’été inespéré en compagnie d’un ami, Johann Sebastian... Bach... Johan Sebastian... Un type avec une culture musicale impressionnante au spectre large !!! Nous discutions des dernières sorties musicales, de nos coups de cœur, de nos déceptions.

A un moment, le gars me dit : " Greg, tu connais Anna Von Hausswolff ? Non ??? Le dernier Beach House t’a laissé un peu sur ta faim ? Tu aimes les univers sombres et pourtant aériens ? Tu voues un culte secret aux artistes des années 80 du label 4AD ? Cocteau Twins ? This Mortal Coil ? Dead Can Dance ? Tu aimes le son des grands orgues ? ... ... ... Pourquoi je te pose cette question ? Je connais déjà la réponse... A chaque fois que tu me vois, tu me demandes de te jouer "La Passion Selon Saint-Matthieu !!!"

Quand Jojo me glisse dans l’oreille un petit conseil musical, en général, le gugusse ne se trompe pas. Aussi, après l’avoir quitté, je me rue fébrilement chez l’ami Yann de l’Oreille KC, mon disquaire brestois préféré, je lui demande d’une voix tremblante :

" Tu as le dernier Anna Von Hausswolff ???????" Un sourire resplendissant illumine d’un coup son visage. Il me dit :

"Evidemment que je l’ai et en plus il est tout beau tout neuf !!!! Et ce qu’il y a à l’intérieur est très beau aussi... Idéal pour un sacrifice humain lors d’une messe noire..."

Je lui remets promptement la somme demandée pour cette "Ceremony" et cours jusqu’à chez moi. Je ne me rappelle pas d’avoir mis la clé dans la porte ni d’avoir ouvert le verrou. A ce moment-là, la seule chose qui compte, c’est d’écouter cet album. J’enlève le cellophane du précieux objet... Une pochette sobre avec un petit sticker identifiant l’artiste et l’album... Une photo noir bleuté avec en gros plan un orgue... Le minimum syndical pour nous accueillir.

Sur la jeune femme, pareil, peu d’information... Avec un nom pareil, on se doute qu’elle n’est pas africaine ou portugaise. Suedoise, semble t’il ...

L’instrumental " Epitaph Of Theodor" ouvre cet album. Si vous n’avez pas encore connu d’orgasme des oreilles, ce titre devrait vous déflorer avec cette montée en puissance qui vous met en apesanteur au dessus de la nef des fous. Tonalités gothiques ici mais qui évitent l’écueil de la pleurnicherie névrotique des corbeaux moins inspirés de mauvais augure... Aprés une introduction aussi brillante, nous ne savons où Anna Von Hausswolff va nous mener mais nous savons déjà que nous la suiverons.

Vient "Deathbed" avec cette voix que beaucoup rapprocheront de la grandiose Kate Bush ou de l’évanescente Liz Frazer. Toutes ces références ne doivent pas faire oublier la puissance émotionnelle de la palette des couleurs de la suédoise.

"Mountains Crave", c’est un peu le titre que Beach House ne composera plus. Du dépouillement, un orgue litanique, une boite à rythme qui claque, quelques accords de basse et cette voix sépulcrale à la Nico. "Ceremony" est un album introspectif, tourné vers l’intérieur de soi, vers nos idées sombres et cachées... Baigné d’un onirisme glaçant, "Goodbye" vous mettra les entrailles en pièces, vous brisera le coeur et vous serez heureux... et vous en redemanderez !!!!

"Red Sun" ou "Funeral For My Future Children" franchissent les territoires redoutés des gouffres. Nous devenons des "taupes" humaines, fouillant et creusant les profondeurs sans lumière. Plus nous plongeons, plus le vide se fait grand. Bientôt, plus de trace de lumière, juste la voix d’Anna qui nous guide.

Chaque titre de "Ceremony" semble être un hommage à un ami imaginaire disparu, à des rêves effacés comme cet "Epitaph Of Daniel". Ici, Anna Von Hausswolff ose les "vilains mots" peu usités dans le vocabulaire Pop... Le mysticisme comme dans "Liturgy Of Light"... Un mysticisme décomplexé du quotidien, de la découverte de la transcendance dans un rayon de lumière sur l’être aimé, sur un paysage immuable, sur l’enfant qui dort. Tout la délicatesse de cet univers tient dans ce savant dosage d’évanescence et de colère rentrée comme des indices inconscients de blessures refoulées.

Avec "Harmonica", l’Orient est convoqué, un Orient de carte postale, un Orient de pacotille et de patchouli comme une réminiscence du "Spiritchaser" de Dead Can Dance. "Ocean" serait le chaînon manquant entre le Tim Hecker période "Dropped Piano" et Soap & Skin, autre écorchée vive à laquelle on pense souvent à l’écoute de l’album. D’ailleurs, depuis quelques années, émerge une génération 2.0 de filles de PJ Harvey et Kate Bush... Des artistes comme Rachel Zeffira auteur d’un album solo de haute tenue ou son travail avec Cat’s Eyes, Soap & Skin donc et désormais Anna Von Hausswolff pour ne citer qu’elles.

Direction les cieux avec "Sova" avec cette voix cristalline qui semble ne pas connaître de limite. On croit reconnaître la guitare d’ouverture de "Song To The Siren", reprise de Tim Bucley par This Mortal Coil sur "Sunrise". Le clin d’œil semble trop appuyé pour n’être qu’involontaire. "Ceremony" nous a mené très loin en nous-mêmes, en des terres que nous visitons peu, que nous occupons peu... Mais, enfin, le ciel s’illumine, le soleil se lève doucement et nos idées noires regagnent ces souterrains sans écho qu’elles n’auraient jamais dû quitter...

Une fois de plus , le poteau Johann Sebastian a vu juste !!! Quel nez il a ce gars pour découvrir des pépites pareilles !!! Anna Von Hausswolff nous verra souvent franchir les portes de ce temple païen pour participer à cette "Ceremony".

La suédoise sera en tournée en octobre en France... Plus d’informations sur son site :

www.annavonhausswolff.com/




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