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Comme certains d’entre vous, je ne parviens jamais à choisir. La faute à la position de mon zodiac à la naissance ? Une indécision pathologique ? Un manque de conviction ? un manque d’envie ?

Non rien de cela. Je n’ai juste pas envie de choisir. Car choisir, c’est exclure. Oui mais choisir quoi ?

Comment vous l’expliquer ? Je suis écartelé entre deux penchants. J’aime la monochromie mais j’aime aussi la couleur.

Rares sont les artistes qui parviennent à faire cohabiter les deux dans une lucide altercation. Sans doute, le nom que je vous citerai en premier, ce serait Kurt Wagner qui ballade depuis plus de 20 ans avec Lambchop son humanité rayonnante.

Choisir c’est exclure. Exclure les facettes d’une vie qui sont bien plus complexes que les nombreux moments de douleurs cassés par de frêles secondes de joie.

A force de tirer sur la pelote de la douleur, on en devient parfois prostrés et immobiles.

Choisir c’est exclure. Exclure la variété des instants, des envies.

"Like the circle ’round the sun

Help the ones who find me here

Understand what I have done

I’m screaming and a-crying

I’m seeking shelter from the storm"

Matthew E White a bien compris que la vie est bien dense et riche que la seule litanie douloureuse, que nous sommes constitués d’un maelstrom émotionnel, d’un patchwork incohérent.

Ce n’est pas complètement innocent de ma part si je vous parle de l’auteur de "Nixon" pour vous introduire auprès de Matthew E White. Les liens sont tellement évidents, hasard des coïncidences semble t’il car le jeune homme ne connait pas le travail du groupe.

Sans doute cette communauté d’esprit se retrouvent dans ce même goût pour les arrangements lumineux de cuivres héritées de la Soul ("Take Care My Baby"), un même sens du contraste ("Rock’n Roll Is Cold").

"Move the wind across the sea

In the morning, when the sun is low

I keep your company

But waiting in the water, Lord

Keep my son and daughter

Put your arms around me"

Comme chez tout américain qui se respecte, il y a également ce rapport au mysticisme, au sacré mais chez White, il ne ressemble pas à une croix ni même à son ombre mais à un hymne hédoniste sans être dérisoire, un hymne à la vie, quelque chose de rayonnant et de l’instant à profiter ("Holy Moly").

Parfois, on croit croiser Josh Rouse, autre grand camarade de jeu de Kurt Wagner dans la pop lumineuse de Matthew E.White ("Circle ’ Round The Sun").

Tout respire la chaleur ici mais pas une chaleur de carte postale, plus ces timides premiers rayons de soleil quand l’hiver n’a pas encore tout à fait renoncé et que le printemps ne s’est pas encore imposé.

"Fresh Blood" est un album d’entre-deux, il n’est pas de saison, il est à cheval sur les parcelles du ciel plombé de Novembre et les crépuscules chantants des étés..

C’est un butinage charmant et nonchalant d’une abeille laborieuse, d’une ruche vibrante, d’une gelée royale revigorante ("Feeling Good Is Good Enough").

On se plait à penser à ce que ferait Thomas Dybdhal de ces couplets chaleureux. Matthew E.White fait classique mais il le fait tellement bien. Aucune volonté de novation chez lui, l’envie de se confronter à la chose Pop, à son efficacité première, de jouer avec les codes, allant des Stones aux Impressions de Curtis Mayfield en passant par un Stevie Wonder à réévaluer d’urgence si vous vous en faites une image de chanteur sirupeux.

Se dégage de ce second album de Matthew E White un sentiment certain de rétro jamais passéiste, le bonhomme visiblement sincèrement traumatisé par un son certain des années 70. Un disque qui vous donne envie de danser, en prenant dans vos bras votre chère et tendre, de faire voler les voiles de sa robe blanche, les petits carrés sur la piste qui illuminent dans des prismes doux vos silhouettes dans l’obscurité.

"I’ve got the craters of volcanoes to hide my shame

I remember so much so well

The night of us forgotten we all regret

I want that feeling more, love is home"

Etes-vous déjà resté sur la plage alors que le froid de la nuit tombait ?Avez-vous déjà vu les gens déserter ces endroits ?

Sentez-vous encore la chaleur survivante, vestige ? l’empreinte de ce corps encore imprégné dans le sable, sa forme conservée en mémoire ?

Voyez-vous les oiseaux de mer qui reprennent possession des lieux ?

Entendez-vous au dessus de votre tête le sifflement tranquille du cerf-volant perdu ?

Tout est calme, vous vous allongez dans l’océan repu, tout est calme ("Tranquility")

Choisir, c’est exclure. Exclure, c’est s’interdire des choses, des émotions. C’est refuser le sucre qui donne goût à nos acides, c’est refuser d’être habité par l’abri des tempêtes.

Choisir c’est exclure. C’est ne se révéler au monde qu’à travers les abrasions, les froissements alors que la soie et le velours nous appellent....

"Angel of the cosmos

Turn your heart, tell me

of your infinity

I’ll climb inside your footsteps

And sleep beneath your seat"

http://matthewewhite.tumblr.com/




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