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Si j’écris sur un son, c’est dans l’espoir de pouvoir traduire une chair de poule mienne en envie d’autrui, c’est un petit travail facile quand l’émotion est brute, naturelle, né ainsi, dans cette mélodie, dans cette composition, dans cette voix et avec les mots innés. Si j’écris sur un disque, c’est que le frisson a été séisme quelque part, et qu’il n’y a d’autre survie que de vous avertir avant qu’il ne vous touche, des contrecoups magnifiques, des bombes. Il y a quelques mois, j’écrivais un de mes post littéraire et déjanté sur un morceau trouvé au hasard, les tremblements commencèrent là, la vidéo de ce titre "Lion (in a soviet) zoo" m’amusait de son esthétique très linographie russe (j’ai toujours aimé cette part d’art simple et directe qu’ont les affiches de propagande, un peu Bauhaus, teutonne, soviet, froide a souhait et puissante a en bramer) mais c’est la voix qui râlait, méchante, menaçante, profonde comme un dégout, belle comme un plaisir et douce comme une vipère, qui tordait le rythme réitératif et musclé.

Depuis mon crâne a un appartement rien que pour eux. Réunion rennaise entre le compositeur Gaël Desbois (Wood, isn’t it ?), le guitariste Maxime Poubanne (où l’art de faire du feu avec le givre avec une guitare) et l’extra-terrestre Marina Keltchewsky (Tchewsky не так ли ?), ce groupe Tchewsky & Wood vient bombarder avec son « Live bullet song » un panorama un peu trop inerte. Bombarder n’est pas un vain mot, le rythme a ici une hégémonie incroyable, une mélodie a lui seul, c’est l’organe vital. Mais ces bombes rituelles ne seraient rien sans la voix polyglotte de Marina, qui déclame comme bonne actrice, des surréalismes quasi cadavres exquis, répétitifs jusqu’à l’incrustation, dans une voix qui prononce chaque mot avec l’émotion d’une guerre. La voix, je suis adepte à Anna Calvi quand elle se fâche, à Karin Dreijer Andersson dans ses plaies, et a Tchewsky dans tous ses onirismes. Il y a un effet théâtral dans son usage, et un apprentissage d’horizons épars, Roumanie, Russie, Maroc, France, qui fait des cratères dans nos conceptions sonores. Tchewsky & Wood est, depuis le premier son, un truc a part du monde, belliqueux, farouche et intense. Peu de groupes ont cette étincelle, cette différence qu’il est inutile de décrire tant elle subjugue, hors du commun, oui, hors de la dimension humaine, ce groupe est une machine a sensation qui ferait danser les obus.

Si je m’appuie surtout sur les titres quasi militaires, hymnes a émotions, ( Burning water), je n’en dénigre pas non plus le côté ironiquement pop (I have you), du slow a l’imagerie vicieuse, et les incandescences qui nous fulgurent le long de cette explosion (Carnival girl) et qui font que l’ensemble est une petite œuvre d’art sous forme de grenade et baignée a la nitroglycérine. L’effet est dévastateur autant que constructif, ce qu’il reste de la cold, du Post-punk est remis sur d’autres fondements, redéfinis dans les frissons, promené sur des lignes jusqu’ici inconnues, comment pouvait on croire qu’entre théâtre, violence et art, on trouverait l’entité parfaite de la musique actuelle ? Prometteur est peu dire dès lors, la promesse est faite, et il n’y a aucun doute que ce groupe, dans son idée de la musique, a déjà pensé où poser ses prochains horizons, dans quelle langue et sous quel bombardement seront les prochaines œuvres théâtrales, je crois fermement, que ce groupe est une part importante de l’avenir, parce que quand je parle de son, j’ai le frisson, et quand je parle d’eux, j’ai l’explosion. Vive ce grand séisme.




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