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Après trois EP sous le joug du galactique, l’extraterrestre Mira Cétii, définitivement la Dale Cooper de la pop française, propose enfin un premier album. Cailloux & Météores, un pied sur terre et l’autre dans les étoiles, perché entre l’infiniment grand et les « petites » choses du quotidien.

Mira Cétii, alias Aurore Reichert, lynchienne en diable, avec ce disque totalement OVNI, semble nous parler depuis la Black Lodge : cette musicienne envisage le concept de pop tel un cosmos bercé d’inconnus, comme si le trivial s’accompagnait d’une élévation divine. Chaque morceau d’Aurore ne peut se satisfaire de la matérialité, il leur faut chercher des indices, des preuves que les histoires intimes ne dépendent pas tant du « je » que de l’immensité interstellaire. Les affres humaines sont si petites à l’échelle de l’origine et l’évolution du monde.

À part, creusant un sillon de plus en plus inédit, Mira Cétii transpose, comme jamais auparavant avec Cailloux & Météores, les obsessions spatiales de son enfance à cette idée d’évidence pop – toujours, chez elle, cet alliage entre l’inconnu et le repérable. Est-ce pourtant de la pop ? Un peu, oui : électro dansante, refrains limpides, phrases chocs (chaque texte comprend des formules anthologiques). Mais pas que : rock ? Atmosphérique ? Folk ? L’ex Alifair refuse de s’encombrer de tous ces schémas, de toutes ces étiquettes réductrices. La beauté du geste, et l’absolue perfection de Cailloux & Météores, provient de sa logique à simplifier l’incommensurable : il est naturel pour Aurore d’aborder diverses complexités kubrickiennes comme si de rien n’était, comme si les mystères de 2001 s’entendaient avec clarté – Mira Cétii est une cousine humaine, sensible et compatissante de Hal 9000 ou de la Samantha de Her.

Album monde, quoi que limpide à l’écoute, Cailloux & Météores, génie d’Aurore, parvient, malgré sa richesse thématique, à distiller une émotion forte. À d’abord séduire par son cheminement instinctif plutôt que par les nombreuses ramifications que dévoilent les écoutes suivantes : des paroles de "Amour Squelette" (tellement évidentes que l’on se demande pourquoi personne n’y avait pensé auparavant) jusqu’au très Eno "Amour Prairie", en passant par le tubesque "Paramessie", ce disque est un traité de sociologie raconté par une Alice au pays des merveilles. Bourdieu vu par Wonderland ? Kubrick décortiqué par le Tim Burton d’Edward Scissorhands ?

On sait que maintenant, dans l’espace, tout le monde entend Mira Cétii chanter. Forever.

Release party : jeudi 30 janvier 2020, Les Trois Baudets (Paris). communication@diffusionprod.com