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Devinette du soir, sans espoir. Racisme systémique, violences policières, privilège blanc : dans quel pays sommes-nous ? En guise d’illustration d’un court-métrage signé Hampton Boyer, chatoyant peintre abstrait basé en Virginie, le producteur et arrangeur Matthew E. White nous offre un nouvel EP, publié par son label de toujours, Domino : cinq variations d’un désenchantement permanent, cinq gifles utopiques portées au visage de l’Oncle Sam, cinq clous plantés dans le cercueil du Rêve américain, cette arnaque publicitaire pour demeurés, contre qui d’autres demeurés luttent, amers d’y avoir cru ou de ne pas en faire partie. Les États-Unis sont une cible facile, on ne risque pas grand-chose à tirer dessus à coups de mots que personne - cacophonie oblige - n’écoute, quand ici et là une bonne cinquantaine de dictatures font au mieux l’objet d’un silence gêné, sous couvert du respect de la différence culturelle. Ambitieux sur le fond, « Only In America » l’est également sur la forme. Il faut dire que Matthew E. White – dont les albums « Big Inner » et « Fresh Blood » ont connu un succès d’estime en Belgique et en Scandinavie et furent chroniqués en ces pages – n’est pas un perdreau de l’année : le natif de Richmond, qui a étudié le jazz à la Virginia Commonwealth University, voit sa riche carrière parsemée de collaborations avec Sharon Van Etten, The Moutain Goats et autres Foxygen. Son EP tire ses racines dans son dernier album, « K Bay », paru en 2021 – la planante élégie de « When The Curtains Of The Night Are Peeled Back », sur laquelle intervenait déjà le flow de Joseph Clarke, figurait au programme. « Only In America » est donc une œuvre mûrie, qui se présente comme une suite en cinq mouvements et nous projette dès l’ouverture dans un casino des années 60, chant rauque et sirupeuses violonnades à l’appui, pour accompagner le fantôme croupi de Frank Sinatra. Changement de registre, Lonnie Holley se pointe et l’ambiance, sur fond de beat électronique, vire soul funk (« It Feels Like This »), on s’attend à tout moment à voir débarquer un Barry White en peignoir satiné. « Only In America » et ses 18 minutes se terminent en queue de poisson par un « Community Meditation » soupesque au possible, qui me donne envie de rappeler que le fameux Rêve américain, des types comme Steinbeck, London et Dos Passos l’ont démonté en long et en large, avec beaucoup plus d’acuité et de talent qu’un Matthew E. White en roue libre. A s’appesantir, encore et encore, sur des constats réalisés il y a une centaine d’année, on en vient à fustiger un Rêve américain qui n’a jamais existé ailleurs que dans le cerveau de bien trop crédules benêts. Par sa production ample et soignée, qui témoigne du savoir-faire de Matthew E. White, « Only In America » lorgne vers la haute-couture mais son prêt-à-porter idéologique ruine son ambition, dommage.




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