Quand j’étais en classe de troisième, une fille super sympa était devenue ma BFF. Blindée de fric - le pognon de ses parents bien sûr - elle pouvait se permettre de réaliser tous nos rêves d’ado. Qui consistaient en l’achat de fringues Oxbow, de pulls Blanc-Bleu, de sacs à main de vraie femme, de plein de CDs. Quand on se retrouvait chez elle on se gavait de super glaces, les plus chères de l’Intermarché local sans doute, et on regardait des Vidéo CDs (ou VCDs) - des films nuls, soyons honnêtes, mais gravés sur un très beau support doré.
Je me souviens que cette famille passait invariablement tous ses congés dans des Clubs Méd sur des îles bordées d’eau turquoise… la totale ! La plupart des gens de notre bled visitait des abbayes normandes et fabriquait des brochettes en bois avec des Opinel comme dans la pub Herta pour les knackis, vous voyez ? Deux mondes parallèles : Albertine et Salsifi (nan mais je sais plus son prénom, bien sûr que ce n’est pas Salsifi, bande de nouilles).
C’est ainsi, au fil de la dégustation de glaces et de longues heures de visionnage de VCDs que ma pote me fit découvrir Lenny Kravitz et Lloyd Cole alors que je n’écoutais que la radio et les Guns. Et aussi une certaine chanson de Prince, « Rasperry Beret » c’était sa préférée. Cette nana incarnait le glamour absolu, en tout cas pour des losers dans mon genre. Elle était ultra cool, on ne faisait que se marrer avec elle. À force d’utiliser un dentifrice étrange plus deux très beaux yeux verts bim tous les mecs du bahut tombaient amoureux d’elle. Les yeux marron ça marche plus tard, quand les gens gagnent en maturité émotionnelle.
Bref : Lloyd Cole vient de sortir un nouvel album et il est pas mal. Le premier morceau n’est pas intense, intense, mais sur le deuxième « Warm by the fire », on reconnaît Lloyd, là, lui et la slide guitar de ses débuts, la batterie sèche, le chant désinvolte mais confiant. Sur « I can hear everything » je craque complet sur le synthé, comme d’hab, on ne se refait pas. C’est presque l’occasion d’accepter, à mi-regret, les effets sur la voix.
« More of what you are », le septième morceau, ça marche plus trop, c’est un peu mou, je pense que Lloyd Cole aimerait bien nous forcer à kiffer son disque, mais non, en musique l’auditeur se montre rarement pragmatique. Et on finit avec « Wolves », avec des loups, vraiment ? Ils ne hurlent pas à la lune, ils ne font pas peur, ni trembler : rien. Des loups feignants.
En guise de conclusion, repartons vers le collège, tandis que Salsifi et moi mettons le CD des Commotions sur sa mini-hi-fi… Mais en fait ça y est, j’y suis ! C’était « Forest Fire » LA meilleure de ses chansons à Lloyd. De quand il jouait avec les autres. La tension monte, comme au coeur d’un vrai feu de forêt : au début c’est juste un crépitement, une intention malsaine, un peu de fumée, et vrouf c’est parti… Bon courage pour éteindre le feu les mecs. Le morceau dure près de cinq minutes, en pop music ce n’est pas fréquent et ça n’en est que meilleur.
C’était ça Lloyd Cole : la magie qui opère une fois par siècle, c’est ce que je vous propose d’en retenir. Le petit dernier, l’album « On Pain », vous pourrez aisément vous en passer, vous ne ratez pas grand-chose. Ou alors j’ai mangé trop de glace et j’entends flou.