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Impossible d’être méchant avec Lloyd Cole. Car celui que nous considérons comme l’un des songwriters britanniques parmi les plus doués (il s’agit tout de même du mec ayant écrit « Are You Ready To Be Heartbroken ? ») n’a jamais vraiment démérité. Certes, la carrière de Lloyd fut parfois difficile à comprendre (l’époque « Bad Vibes » avec barbe et cheveux longs) et certains albums ne poussaient pas l’ambition jusqu’au bout (les grandes orchestrations de « Don’t Get Weird On Me, Babe », gâchées par quelques vilaines guitares). N’empêche que Lloyd Cole, presque trente années après son chef-d’œuvre absolu (« Rattlesnakes », avec les Commotions), est toujours vaillant, prêt à en découdre (au fait, que deviennent Elvis Costello, Shane McGowan ou Richard Butler ?).

Au cours des dernières années, notre éternelle dévotion à l’égard de Lloyd Cole s’accompagnait néanmoins d’un bémol, d’une sourde inquiétude : à l’aise dans les charentaises du chanteur acoustique, notre joufflu préféré enquillait les bons disques de folk que nous écoutions deux ou trois fois avant de poliment les ranger sur l’étagère (pour mieux revenir vers « Forest Fire », « My Bag » ou « Lost Week-End »). Agé de cinquante-six ans, Lloyd pouvait aisément prétendre à une fin de carrière façon Dylan (pépère, pas indigne mais un peu hors coup). Et puis, au fond, nous aimions également les derniers albums de Lloyd Cole pour ceci : ne pas chercher la jouvence éternelle et s’épargner ainsi le faux jeunisme d’un Morrissey.

Autant dire qu’en posant « Standards » sur la platine, nous n’attendions rien d’autre qu’une belle collection de titres boisés à savourer le temps d’une nuit pluvieuse, avec un bon Chianti à portée de mains, l’esprit apaisé et serein. Surprise : dès « California Earthquakes » (une reprise de John Hartford), les guitares électriques reviennent tarauder l’écriture de Lloyd. Cela se confirme avec l’enjoué « Women’s Studies » et le gigantesque « Period Piece » (plus belle chanson de Lloyd Cole depuis… « Sentimental Fool » ?) : l’auteur de « Mainstream » vient de larguer la quiétude patriarcale pour à nouveau balancer une petite série de pop-songs énergiques et remarquablement tubesques. Certes, Lloyd gratifie l’auditeur de quelques folk-songs comme il en a maintenant le secret ; mais, par rapport à « Music In A Foreign Language » ou « Antidepressant », le ton est ici plus alerte, plus exalté (le spectre des Smiths se remémore souvent à notre esprit à l’écoute de « Standards »).

De « Opposites Day » à « Diminished Ex » en passant par l’atmosphérique « Silver Lake » (dans lequel Lloyd, via la formule « I don’t have a second heart to break », ravive l’étincelle « Are You Ready To Be Heartbroken ? »), le fan retrouve le Lloyd Cole des grands jours : érudit, comique, ironique, sincère, lettré... Jusqu’à nous faire dire que « Standards » pourrait bien être le sommet de sa carrière solo…

Oui, décidemment, en 2013, nos amours de jeunesse respirent la bonne santé. Du coup, nous aussi ! Non, mon très cher Lloyd, ce n’est pas avec ce sublime « Standards » que nous nous sentirons heartbroken !

Jean Thooris




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