> Critiques > Labellisés



Le tour de France des productions hexagonales à côté desquelles nous étions ces derniers mois passés continue, avec Watine et son remarquable Short series of arranged piano. Habituée de ces pages, Catherine Watine poursuit sous les radars une carrière luxuriante – chantée ou non –, en témoigne le Symphonie Dissonante – Entanglements, collaboration avec Tycho Brahé publiée il y a quelques semaines. Plongeant leurs racines dans le post-romantisme cher à Erik Satie ou Enrique Granados, mais également inspirées par les expérimentations pianistiques d’Edison Denisov et John Cage – les notes parfois glissent, dissonent et se taisent –, ainsi que les climats à la Howard Shore (le travail sur les cordes, cordes brutes et envoûtantes, est impeccable), portées par une texture ambient tout à fait judicieuse (collages sonores naturalistes, la pluie, les oiseaux, les mots éteints, les voix réverbérées qui se dispersent dans le néant, mais aussi les ponctuations pointillistes, synthétiques, bourdonnantes et apaisantes), les neufs compositions de ce nouvel (et quinzième) album de Watine sont éminemment riches.

Riches d’une simplicité évidente, constituée de suites d’accords basiques, arpégés, fluides et doux, sur lesquelles les doigts déliés se promènent, de basses profondes en glissandos discrets, d’un nuage noir l’autre, vers une luminosité baroque que l’auditeur saura traduire en images intimes, délicieusement secrètes. Si le piano est au cœur de tout, le cœur de Short series of arranged piano est partout. Il transparaît, battant fort, dans la souplesse quasi-jazzy de l’ensemble, ainsi que dans la judicieuse liberté ornementale minimaliste dont fait preuve la discrète et prolifique Watine. Sur Short series of arranged piano, tout est beau, tout est humble et bon, surtout lorsque l’on a, comme moi, l’âme sensible et vagabonde.