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Très récemment, ADA vient de mettre en ligne à l’attention de ses dévoués lecteurs un tribute consacré à L’avenir est Devant, le premier album de Mendelson, publié en 1997 par l’exigeant label Lithium, maison mère de (entre autres) Jérôme Minière, Bertrand Betsch et Diabologum, soit une certaine idée de la noirceur, loin des feux de la rampe et de toute compromission, quand bien même certains artistes, à l’instar de Dominique A., surent par la suite mener une carrière audacieuse, tout en élargissant leur public. Chacun des 25 intervenants ayant participé à ce recueil de reprises, de Matthieu Malon à Bleu Reine, en passant par Trostki Nautique, Nadine Khouri et Dylan Municipal, se vit poser la question suivante : dans la scène actuelle, qui est l’héritier de Mendelson ?

Sans surprise, les réponses furent binaires : soit personne, soit Bruit Noir, le projet fureteur / fureur rentrée de Jean-Michel Pirès (brillant factotum à l’esprit ouvert) et Pascal Bouaziz, sarcastique homme lige de Mendelson, qui par ailleurs, au vu de son rapport nihiliste à la reconnaissance, doit certainement être gêné de se voir tardivement admiré, pour une œuvre de jeunesse qu’il a souvent en interview conchié. Pas loin de partager le constat des musiciens ayant relevé le challenge de reprendre l’âpre L’avenir est Devant, je me disais qu’effectivement l’héritage de Bouaziz était trop mortifère pour perdurer, mais une petite musique (brestoise) me travaillait.

Celle de Gwendoline, bruit gris plus que bruit noir, gris comme un ciel de pisse breton, gris jaune, de ce jaune pisseux caractéristique des journées d’ennui, pauvres, angoissantes et paresseuses, mais le soleil lointain, mais les falaises à hauteur de géants éteints, mais le peu d’étoiles, le monde est court et court à sa perte, on ne sait pas, depuis toujours apothéose et apocalypse se frôlent, il en va ainsi de l’homme qui pense son présent comme un présent sans avenir, parce que c’est ça, se sentir vivant. Gwendoline : il fallait bien deux étudiants approximatifs exilés à Rennes pour monter le groupe français le plus excitant depuis… j’en sais rien. Depuis longtemps, en tous cas.

A lire ici et là les interviews donnés par Pierre Barrett et Mickaël Olivette, il ressort que l’accident est de rigueur et revendiqué, du nom du groupe (une nana déplaisante croisée au lycée) à la formule volontariste, ultra minimaliste et néanmoins efficace, mélodies parlé / chanté (bien joué, les refrains tordus à fredonner au fond d’un squat de petits black blocs bourrés), boîtes à rythmes binaires, guitares sommaires, claviers épluchés joués à deux doigts, avec en ligne de mire la mollesse arrogante de l’époque, la lâcheté cynique de l’individualiste, la déchéance de la France profonde, que l’on plaint ou moque, sur fond de shlag wave (pop synthétique 80s + cold wave + déglingue), pas pour rien que Born Bad Records, label au flair indéniable, est de la partie. Truffé de paradoxes, C’est à moi ça avance sur le fil du rasoir – production volontairement cheap, suite d’accords identiques, voix posées au petit bonheur la chance, textes pas toujours inspirés –, à chaque nouveau morceau on se dit que l’édifice va s’écrouler, Gwendoline essouffler sa propre formule, la faute de goût nous effrayer, mais non, le charme opère jusqu’au bout et on se dit qu’on a affaire à des musiciens qui savent où ils vont. Disons que Indochine + Jean-Louis Costes + The Fall = Gwendoline, un certain héritage de noirceur, de paysages post-industriels, de ringard assumé, de provocation, également, du bruit gris, assurément, le bruit gris des après-midis brestoises passées à tuer le temps, en attendant un lendemain qui sera de toutes façons gris façon gueule de bois.

Alors certes, les textes semblent parfois rédigés par une IA abonnée à Mediapart (les riches sont méchants, les policiers sont vilains, les français sont des beaufs), mais s’avèrent cohérents avec la geste du duo, frontale, lucide et bravache, donc on ne s’attardera pas sur le sujet, d’autant plus que Gwendoline se concentre sur le détruit, le déconstruit, le déchet, le truisme sans fond et la pourriture mentale. Les plus purs héritiers de Bruit Noir font du bruit gris, ils ont un nom de merde, on les aime, c’est Gwendoline, et ils ont sorti un des meilleurs disques français de l’année.




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