S’ouvrant sur l’intense et mélodique Charcoal, cavalcade émotionnelle perfusée de sonorités synthétiques et de guitares à la mélancolie tranchante, le nouvel opus de Fragile Figures place d’emblée la barre très haut, quand bien même le duo basé à Colmar avait su nous habituer à l’excellence – pour mémoire, les débuts sont impeccables : le EP Silent Scars (2020) puis l’album Anemoia (2022), « (…) hanté jusqu’au sang de névroses cold punk et post-rock ». Plus frontal que son prédécesseur, plus dense, plus sombre, plus électronique également, See The Charcoal Rats nous offre six instrumentaux vertigineux, tel cet éclatant Post Industrial Nightmare, à la croisée des chemins entre 65daysofstatic et le John Murphy de In The House – In A Heartbeat, grosse claque. Ailleurs, l’atmosphérique et néanmoins ramassé I Know They’re Robots rappelle les compositions de Pawel Blaszczak pour le jeu vidéo Dying Light, soit la parfaite bande son d’un film post-apocalyptique dont on rêverait qu’il soit tourné par John Carpenter. De toutes évidences, Kai Reznik et son acolyte Julien Schmitt sont doués pour nous pondre des ambiances hautement cinématographiques : à l’heure où j’écris, je ne suis plus ce bureaucrate falot anesthésié par le ciel gris au-dessus de Paris, mais le gars balèze en moto qui file dans l’obscurité sur l’autoroute de la Mort, casque vissé aux oreilles, galvanisé par Mosquito et ses montées de fièvre sonique. La boîte à rythmes tabasse, la basse martèle les temps, les distorsions crachent, impeccable. Mêlant coldwave, post-rock, shoegaze, electronica, noise, indus et post-punk, Fragile Figures signe rien de moins qu’un des meilleurs albums que j’ai pu entendre ces derniers mois, j’adore.