Enfin de la chanson française qui ne triche pas, qui refuse le camouflage cynique ou la provocation bas du front, de la chanson française qui préfère l’épure (des mots, des arrangements) et s’avance trop humaine pour hurler un quelconque besoin d’être aimé. Du reste, rien de surprenant : nous évoquons ici le nouvel album (inespéré) de Silvain Vanot, un mec dont l’intégrité ne se questionne guère depuis… toujours !

Ithaque, fait rarissime dans la chanson française des dix dernières années, ne dévoile aucun égo, aucune formule choc, aucune volonté de briller sous les sunlights. Il s’agit, en effet, d’un disque garrelien : parcours existentiel exprimé avec un méticuleux dosage entre confessions privées et fictions protectrices, aveux et poésie, don de soi et nécessaires brouillages. La modestie, l’humilité même, ne s’adresse ici qu’à l’auditeur en quête de pureté. Car Vanot, de plus en plus dylanien, ne cherche même pas à profiter de l’époque et à se rappeler en tant que précurseur d’une chanson française sophistiquée (bien avant Dominique A et Miossec). Il le dit lui-même, dans un bouleversant (et un peu dérangeant) "Je Suis le Carnet de Route" : « Loin du wagon de tête avec les indécis, ça me va ». Pourtant, à défaut d’amertume, Vanot pointe du doigt, tout en espièglerie (et sans colère), l’une des tristes tendances de la chanson française : « Quand on veut séduire dès le premier abord / Dès le premier accord / Mais pourquoi séduire / Au premier accord ? » ("Les Accords du 9e ") – grand écrivain, Silvain devrait en faire un article ou un livre, car il est bon d’insister, dans le détail, sur les sujets tabous.

Silvain Vanot est dorénavant un troubadour mélancolique loin du système, un musicien de l’âme (la sienne, la nôtre) dont l’écriture d’un nouvel album ne tient qu’à l’essentiel : un besoin de partager, avec qui le souhaite, un journal de bord, un regard sur l’insoutenable légèreté de l’être. Et si c’était lui, le seul garçon sur terre ?