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Revisiter le répertoire d’un artiste est toujours tâche ardue. Et c’est d’autant plus vrai quand l’artiste en question est un compositeur légendaire du dernier siècle, puisque l’Ensemble Minisym se donne la grande et noble tâche de réinterpréter une partie de l’œuvre du viking de la 6ème avenue, le génial Moondog. Sous les mains du sextuor, c’est alors principalement des pièces extraites de l’album A New Sound of an Old Instrument qui se verront réadaptées : d’une version originale presque exclusivement enregistrée à l’orgue, l’on passe à une instrumentation plus dense, à la couleur plus chaude, puisque proposant cette fois des cordes (violon, théorbe, violoncelle…), des percussions plus appuyées (jouées par Alexis Degrenier, échappé de La Tène, et par Amaury Cornut, directeur de l’ensemble et connaisseur affable de l’œuvre du compositeur), ou encore de l’harmonium pour ajouter du souffle et des renflements supplémentaires.

On entre alors dans New Sound comme chez un ami de longue date qu’on n’aurait plus vu depuis longtemps, qu’on reconnaît immédiatement mais qu’on sait aussi changé, avec le diptyque Oasis puis Single Foot : la nouvelle instrumentation perd sans doute du côté solennel des orgues glaçants de l’originale, pour offrir en retour quelque chose moins vertigineux mais pas moins beau, donnerait presque des aspects de musique tzigane dans ses élancements plus énergiques - mais l’on se sait toujours dans les compositions de Louis Thomas Hardin, les percussions en rythmiques particulières en témoignent, tout comme l’héritage d’une musique parfois proche du dernier baroque de Bach.

C’est cependant vraiment sur les pièces inédites que l’ensemble tire vraiment son épingle du jeu : sans l’existence d’un enregistrement de référence, le sextuor s’offre une liberté qui lui sied bien, et s’approprie de façon moins scolaire la splendeur de Moondog. Là où Log in B (malgré la beauté de ses canons, de ses voix / contre-voix) laisse un arrière-goût de potentiel non dévoilé entièrement et gagnerait à plus s’étaler en longueur pour finir en éclats cinglants, le Logrundr in A fascine et émerveille, et la Marche Funèbre pour Vercingétorix reste sans doute le sommet du disque, élégie où s’éveillent petit à petit le souffle de chacun des instruments, d’un romantisme formidable, elle est une de ces pièces dont on se rappelle comme hanté après l’avoir écouté rien qu’une fois, et vers laquelle on n’a de cesse de revenir. Ce sont des cordes pincées qui complètent le drone de l’harmonium, le violoncelle qui gronde et grandit, pour atteindre une apothéose de splendeur quand tout se remet en branle après un court silence.

S’il est parfois difficile d’éviter de comparer les réinterprétations aux anciennes versions de New Sound, et d’en regretter la froideur marmoréenne de l’orgue esseulé, une fois une prise de recul effectuée, il serait peu de dire que l’hommage est beau : non seulement il l’est, mais plus que ça, l’Ensemble Minisym sait proposer avec New Sound quelque chose de sien dans les traces du viking, quelque chose comme un angle de vue nouveau, une facette inconnue, et aux accents réinventés de l’œuvre-mère, et le fait avec virtuosité. Peut-être gagnerait-il quelque chose à s’offrir de plus larges libertés par instants pour des morceaux réinventés : ça reste les morceaux sans marque de départ qui prennent les plus belles formes - ce son neuf, qui touche aux cieux.




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