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J’ai ce sentiment, ce si beau sentiment, de mettre mon âme a nue dans ces eaux là, qu’elles soient d’Eleor, ou d’Alaska, de me baigner ainsi, comme nouveau né, dans les liquides froids mais vivants, Il y a des artistes qui ont ce talent, celui de dépecer le mot parfait et le son précis jusqu’a l’extrême fragile de la beauté, qui n’ont besoin d’aucun stylet pour creuser un tant soit peu plus, les traits d’un buste, ni de plus de couleurs qu’un noir et blanc pour dépeindre la magique gamme chromatique de ce monde. En 1991, William Sheller me faisait comprendre que tous ces baroquismes des fins 80 n’enveloppaient que l’émotion, comme un écrin, sans les montrer, sinon les protégeant. Les épiques hymnes, les surpeuplés arrangements, les compositions a milles pistes, sans les renier, m’avaient caché l’architecture, le fondement, le primaire, l’art brut qui frémit dans une simple corde, une intonation de voix, une touche de piano. Avec lui débuta l’épure, les filtres à chair de poule, l’élégance puissante de l’émotion déshabillée, une autre voie a l’ouïe. C’est un exercice de style ardue, que d’exprimer l’étendue infinie d’une contrée froide par si peu de sons et tant de mots, c’est un exercice qui demande plus de cœur que de cordes, mais les lignes d’horizons dessinent plus aisément les paysages que le fouillis de bois, vallées et veines fluviales, le tracé d’une route exprime mieux l’exil, l’ailleurs, que la collection a portée de main des billets d’aller-retour, Eryk l’a compris, il est homme de trésors simples, de mots sensés parce que sentis, de simples beautés, de ceux qui vont directement a l’âme, au point faible, nos talons d’Achilles sensoriels. Alaska, son nouveau périple, n’est qu’une raison au trajet, la ligne qui rejoint un point a l’autre puis s’esquisse en ligne de fuite, puisqu’Alaska est une résolution a fuir le mal qu’on ne sait combattre, rendre les armes, oui, mais avec l’étoffe de la poésie, le héro couard, la victime divine. La simplicité (quoique, ici, tout est fait pour paraitre simple et ne l’est pas) a besoin de l’ombre, de la nostalgie, du spleen, d’un constat terrible que les maux adornent les mots. Eryk.e, qui a de Sheller l’idée formidable d’avoir été "classique" avant d’être esprit, qui soigne l’orchestration comme véritable scribe, soignant les calligraphies des notes, n’en est pas dupe, au-delà, il sait le ressentir, le malaise, les situations terribles de corps inertes sur les rivages et d’abandon, dans ce deuxième disque, les entrailles a vif saupoudrent les mélodies de thèmes épineux et intimes bien qu’universels, et l’impression de nudité qui enveloppe la délicatesse des textes, d’effets parfois enfantin pour adoucir la plaie, laisse une pression comme mâchoire au corps de l’écouteur. Impossible de rester de pierre, puisqu’il nait là de petites lueurs, tout n’est ici, pas perdu, il reste de l’humain sur chaque touche du clavier, et des gouttes d’espoir distillées dans l’ensemble, comme un grand romantique, Eryk.e sait de la beauté cachée dans l’obscurité. Dans cet équilibre parfait entre nudité sonore (apparente) et richesse verbale, se posent des ciments de nouvelles émotions a expérimenter, bien sur il sera difficile d’y trouver la liesse profonde, ce disque n’est pas un ciel bleu, mais a des éclaircies somptueuses qui ne le rende que plus intense, a l’image de notre temps, des défaites et des victoires, au niveau humain, comme au niveau intime, le long de ces 13 titres, histoires a s’émerveiller , on redécouvre le veritable et simple, visage du monde.




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