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Nous aimions chez Blackmail le synthétique crade, les mots haïkus, le cut-up et l’apport du silence. Bones et Dur au mal : deux disques qui ne cherchaient jamais à tutoyer leurs temps (2013-2015) mais qui en disaient néanmoins beaucoup sur les prémices d’une crise annoncée – citoyenne, sociale. Une Hallucination française fonctionne en sens inverse puisqu’il s’agit cette fois d’explicitement documenter l’époque covid, avec son lot de retranchements dans l’ennui, de rues désertes, d’infos fonctionnant à plein régime. La crise ne s’anticipe plus, elle fait dorénavant partie de notre quotidien : le nouveau Blackmail est un album du présent au présent.

Musicalement, le groupe séduit par un minimalisme techno aussi vintage que contemporain et par une ouverture sonore qui peut le conduire à user intelligemment du synthétique dark comme d’une forme de dance patraque, lessivée. En revanche, ce troisième album achoppe sur les mots. Loin des courts étendards d’hier, Blackmail se repositionne ici dans le constat Bouaziz et l’urbanité Darc. Pourquoi pas ? Sauf que les textes (longuets et parfois simplistes) sont un peu redondants par rapport à l’année 2020 : manque une distance qui permettrait aux mots d’échapper aux clichés attendus (isolement, absence de lien social, tout ça), un point de vue qui questionnerait le réel au lieu de banalement le photocopier.

L’échec lexical de cet album, au-delà de sa louable sincérité, confirme un sentiment d’auditeurs : a-t-on aujourd’hui besoin d’une couche supplémentaire de glauque sur un quotidien déjà bien plombé ? Pas certain… Il est encore trop tôt pour qu’une musique réussisse à nous captiver en abordant, avec toute la noirceur réglementaire, ce marasme qui n’en finit guère. A moins d’y adjoindre de l’ironie, pourquoi pas du cynisme, dans tous les cas un point de vue suffisamment fort pour que cette réalité décrite puisse survivre au passage des écoutes. Une Hallucination française est encore trop basique, trop terre-à-terre pour que l’on veuille s’y reconnaître ou s’y retrouver.

Paradoxe Blackmail : leurs phrases-slogans d’antan auraient très bien fonctionné afin de sous-entendre ce nouveau monde (rien d’explicite, donc imagination de l’auditeur) ; mais en cherchant le contexte et le littéraire, le groupe ne fait que radoter une période que l’on souhaite oublier. « Le langage semble finalement bien désuet lorsque tout s’accélère » est-il dit sur le titre “Lorsque tout s’inverse” : voilà qui résume ce disque louable (dans l’intention) mais inutile (au résultat).




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