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Ne rien faire, tout un programme, que seuls les plus résistants d’entre nous parviennent à respecter, tant sont tentantes les innombrables propositions de la société du loisir, si rusée et retorse qu’elle parvient, au travers de stupides concepts contemplatifs, à nous vendre l’idée d’une inaction active – yoga, méditation, transcendance de bas-étage. Il faut être Barnabooth ou Schopenhauer, qui estimait qu’en pensée, assis sur son siège, il allait plus vite que toi, pour savoir se retenir d’agir et saisir le présent dans sa plus nue simplicité.

Après un premier album éponyme paru il y a deux ans, le trio lyonnais Rien FaireAlice Perret (chant, claviers, boites à musique), Lucas Hercberg (chant, basse, guitares) et Corentin Quemener (chant, batterie, carillon et bidules) – revient aux affaires et publie sur le label Dur & Doux (Monstre, Odessey & Oracle, les merveilleux Bess Of Bedlam) un deuxième album au titre éminemment empathique en ces temps de révolte sociale, « Peuple », qui décline en neuf titres aventureux une chanson pop expérimentale aux harmonies vocales mixtes late 60s et dont les structures étirées, les rythmiques concassées et les digressions surréalistes traduisent une certaine idée de la chanson française, entre Arlt (poésie dadaïste, sens du je-m’en-foutisme) et Chocolat Billy (énergie décousue à l’inventivité au goût sûr), sous haut patronage mélodique - « Le temps de la saison », traduction littérale et ébouriffante du génial « Time of the Season », composé par le mythique Rod Argent, claviériste des non moins mythiques (et meilleur groupe du monde de tous les temps auteurs du meilleur album de tous les temps) The Zombies.

Je lis rarement les biographies des albums que je chronique, qui sont trop souvent écrites par des attachés de presse paresseux et peu imaginatifs, en témoignent les sempiternels clichés sur les registres balayés à coups de thématiques usées jusqu’à la moelle (le voyage intérieur, les cimes orageuses, les profondeurs lumineuses, etc.) mais pour le coup, quand Rien Faire évoque la sophistication brute de ses morceaux, je ne puis qu’acquiescer : d’un côté le sens de l’harmonie, le goût des envolées malicieuses et de l’altérité souriante, de l’autre une solide section rythmique aux pieds plantés dans la terre, une production sans peur du sale et des à-côté brutalistes – ça donne un album passionnant de bout en bout, simple de son intention simple et néanmoins complexe par ses orfèvreries jamais frimeuses. « Peuple » est un bel et grand album, qui sur son beau transat planant va plus vite que toi et moi, et nous n’en prendrons pas ombrage.




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