Vous le sentez, vous, le retour du rock ? Après plus d’une décennie de soupe MIDI tiède et sans saveur concoctée par des fonctionnaires vissés devant leurs ordinateurs, souris dans la main gauche et thé au ginseng dans la main droite, les mains en ont marre, elles se rebellent, les doigts réclament des cloques et du cal, les dos veulent se courber sous le poids des basses et des guitares, les pieds porter des chaussures classes, et puis il y a le hors-pistes, adieu les soirées passées à disséquer des fréquences audio ou agencer des blocs de sons pré-programmés, retour à la case départ, retour à la cave, retour au collectif, au partage et à la fusion des esprits. Projet solo du Lorientais Olivier Le Tohic, Trainfantome est devenu, depuis la parution en 2018 de Mature Immature, un quatuor, qui en cet automne émotionnellement décharné nous revient avec un nouvel album – Thirst – évoquant tout à la fois le grunge, le lo-fi et le shoegaze des 90s que l’emo et l’électro dark du début des 00s, dans une fusion post-noise-pop crépusculaire et désenchantée. Un morceau tel que Tunnel Vision synthétise à merveille l’ambition polymorphe de Trainfantome : introduction slowcore atmosphérique, chant au bord du murmure, un long pont durant lequel progressivement les instruments déboulent, basse et beat binaires, motifs de guitare répétitifs noise, l’intensité grimpe, retombe, grimpe à nouveau, et puis c’est la claque, le mur du son, le chant hurlé noyé dans la réverbération et la distorsion, il y a du Girls Against Boys dans l’air. Plus loin, la ballade lo-fi core Thirst, étrange et touchante, nous offre une autre perspective sur l’œuvre de Trainfantome qui, si elle vise parfois l’évidence (Trust Fall et From Your Side, pourraient illustrer un film de la série Twilight), n’en oublie pas l’intime, le fragile, le bancal – le quatuor Nantais, sûr de sa force, est encore meilleur lorsqu’il baisse sa garde, ce qui rend d’autant plus précieux son nouvel album : belle réussite.