Le dialogue qui suit se tient en langue danoise. Deux hommes originaires de Aarhus, ville moyenne du Jutland, se croisent dans la rue. Pour les besoins de cette chronique fiction, l’un d’eux est le père des frères Jeppesen, les trois membres du groupe garage-rockabilly PowerSolo…
He ! Poul ! La petite santé, ça va ? - On fait aller Jørgen, on fait aller… - Et la famille ? - Tout suit son cours, ça va en fait… - Bien, et tes fils ? - Ils jouent dans un groupe. PowerSolo, ça s’appelle… - C’est pas vrai…[Narquois] Mais ils travaillent sinon ? - Je me suis mal exprimé. Il s’agit de leur travail… - [Dubitatif] Oh… - Ça devait arriver de toute façon. Tous les soirs ils tapaient dans ma collection de vinyls avant d’aller se coucher et se jouaient les albums au casque…Merde, tous mes vinyls usés jusqu’à la corde… Mon Hank Williams, tu sais le live au Grand Ole Opry…Jamais pu le récupérer. Ils devenaient violents si j’approchais la main trop près de la pochette…Tous mes Link Wray et ben na(johnny)cash pour les écouter. Mettaient la main sur ma gomina et roule ma poule, ils devenaient Carl Perkins… - C’est moche… - Je te jure que j’en ai chié. Cave réquisitionnée et tous les après-midi : " When You’re All Alone and Blue/ And The World Looks Down On You " gueulé comme s’ils n’avaient pas la certitude de chanter à nouveau le lendemain… Carl Perkins à la fin, je l’aurais croisé j’crois bien que je lui aurais claqué le beignet… - C’eût été difficile … - Quoi ? - Non rien, continue… - A cette période là leur mère et moi on tenait encore la rampe mais après l’Evènement…c’était plus pareil… - De quoi tu parles ? - Un Dimanche en famille on participait à un vide-grenier, un fêlé revendait tous ses disques des Cramps à côté de nous. Mes gamins, ont trouvé les pochettes " trop classes ". Ils ont tous racheté avec l’argent de la tondeuse Flymo qu’on vendait… - Celle sur coussin d’air ? - Celle-là même mais c’est pas la question. Depuis ce jour Maman prend du Xanax à la louche et moi je me suis confectionné des patchs au Temesta… - C’était si dur ? - T’imagines pas. Ça correspond au moment où ils ont monté leur projet. PowerSolo…rien que le nom tu penses bien que c’est pas un groupe de reprises d’Anne Sylvestre…Tiens jette un œil à leur dernière production… - [L’homme intrigué pose les yeux sur la pochette sur laquelle se détache un Pit-Bull mi-placide mi-potentiellement prêt à vous bouffer les roustons…] Ils ont sorti un CD ? [Interloqué] Alors ça marche vraiment ? - T’es pas tombé dessus ? L’album est sorti chez nous en septembre et tout le monde semble apprécier… - Merde… Mon fils s’est mis à la guitare vu qu’il a lu dans Jalouse que c’était le retour des guitares… Tu sais qu’il tient super bien les premiers accords de Rape Me ….Je vais lui parler là. Je te laisse. - Au plaisir, Jørgen, au plaisir…
Cessons là toute velléité de (pseudo) originalité de la forme et retrouvons le chemin savamment pavé de la chronique réglementaire… It’s Raceday se présente comme un album eminnement rafraîchissant qui en appelle aux tripes (gut) plus qu’à l’intellect, à l’instinct plus qu’à la construction mentale, à la réactivité plus qu’à la léthargie. Les frères Jeppesen effectuent le grand écart spatio-temporel que l’on n’espère plus du Blues Explosion, une jambe campée en plein milieu de l’ouest américain circa la fin des 70’s (" Good Behaviour ") et l’autre scellée au sol des Etats du sud central de la fin des 50’s (" Baby, you ain’t looking right ", " Broken Wings "). PowerSolo tape à la tête, PowerSolo sue sous les bras (demandez aux premiers rangs de leur concert des dernières Transmusicales), PowerSolo joue avec déférence pour la tradition mais avec impertinence. PowerSolo emballe et c’est pesé. Un peu plus de trente-cinq minutes de furie jouissive, je vous le laisse ou je vous le retire ? PS : A l’occasion, glissez vers leur site et sa page d’accueil hilarante.