Nouvelle Vague rappelait récemment la vacuité de l’exercice de la reprise, son inutilité crasse. Et Ian Curtis de surgir de sa tombe pour mieux se pendre à nouveau à l’écoute de leur version de " Love Will Tear Us Apart ". La reprise quand elle n’est pas fidèle à l’esprit originel vaut autant qu’un titre Eurotunnel. Kate Rogers l’a bien compris qui présente modestement neuf relectures censées sur un Seconds abouti. La réussite de cet album de reprises tient dans un premier temps au choix inspiré des titres qui y figurent, parmi lesquels : " Big Mouth Strikes Again " (rien à ajouter), " Climbing Up The Walls " transpirant presque plus l’inconfort que l’original, " Here Comes Your Man ", ou encore " Broken Arrow " soit un ensemble de morceaux que chacun reconnaît comme solidement charpentés et puissamment évocateurs. En outre, l’intelligence à l’œuvre de Rogers et son travail d’absorption de l’histoire de chacune des chansons permet de rendre l’hommage qui leur est dû à des titres qui figurent dans nos panthéons musicaux individuels. Et puis, bien au delà de cela, on retiendra que Kate Rogers se montre trop humble pour prétendre réinventer ces titres mais suffisamment sûre de son fait et du respect qui l’anime à leur égard pour en offrir des versions tout aussi convaincantes. L’Américaine -aperçue sur les travaux d’Aim (" Sail ", qu’elle réinterprète ici, c’était elle) ou de Rae & Christian- propose à chacun des morceaux de quitter leur voie royale et d’emprunter des chemins de traverses folk, jazz, pop voire blues. " Big Mouth Strikes Again " nous transporte par exemple dans la ferme isolée de l’Ontario où Rogers grandit ; elle y retrouve ses amis, sa guitare en bois et son clavier et propose au Moz de se mettre à l’aise et d’enfiler chapeau de paille et salopette en denim. " Here Comes Your Man " quitte son complet froissé et enfile un maillot de bain pour mieux prendre le soleil. On ne s’effraiera pas à l’idée du gros Charles en moule-burnes, il est ici très présentable et prêt à batifoler dans l’eau. Sur " Broken Arrow " on imagine très bien une Kate Rogers enfant, appliquée à plaquer les accords sous l’œil bienveillant de Neil Young. Cette jeune recrue du label Grand Central magnifie de sa voix soul cet album de covers. Et l’on se surprend même à nourrir une sympathie coupable pour le " Miss You " des affreux Blink 182 ou le " Big Me " des Foo Fighters. On mesure donc le tour de force ! Et on presse repeat all sans perdre de " seconds ".