Ayant toujours vénéré Ride, dont la cassette copiée par je ne sais quel beau gosse dealer de shit du lycée ne m’a jamais quittée lors de mes onze derniers déménagements (je suis sentimentale), j’ai immédiatement adhéré à Dehors. C’est un deuxième album entraînant, d’où les accents de Cure ne sont pas absents. La voix se fait lointaine, occupant le plan du fond, tout là-bas, loin au fond dans le brouillard. Mais c’est tellement métallique que ça déchire le voile (l’écran) et que ça vous transperce le coeur. On sent bien que tout est musicalement possible chez Sarakiniko même si « Gloden Glows » est un titre qui me fait sourire (humour de merde : j’ai pensé à « Golden Streams » titre ô combien cynique et gay de The Hidden Cameras et dont je recommande l’écoute, au moins une fois, enlacés, en mode slow, feu de bois, cheveux longs, lisses et propres).
Toute gravité mise à part, chez Sarakiniko on retrouve cet élan enthousiaste pour la Vie avec un grand V. L’amour des textes et de la prose, une envie de tout recommencer à zéro, de se laver de tout ce qui encombre le cerveau : l’image, l’image, les images, les modèles que sont devenues les images. Ces dizaines de kilomètres de tonnes de kilotonnes de mégatonnes d’octets de data d’images de merde, qui trop souvent nous font oublier que c’est « la logique spectaculaire » qui « nous inculque l’idée que rien de ce qui se trouve hors de la zone balayée par son phare ne peut prétendre à la moindre dignité, ni présenter le moindre intérêt » (Mona Chollet in La Tyrannie de la réalité, extrait du chapitre Découvrir où mène le fil).
Exit les modèles, exit Ride. Oui, ce sont les guitares décidées, une sorte de flux qui les traverse et qui nous secoue, dans nos corps et dans nos âmes, et c’est Sarakiniko qui chante « le chant souffle le long de l’eau » sur le titre « Dehors ». Il y a quelque chose de l’ordre de la cavalcade, ailleurs… Peut-être sur une île sauvage, où l’on ne croiserait pas grand-monde (et c’est pas grave) car « le vent souffle le long du chemin, entre tes doigts les feuilles mortes revivent ». On est sur Ouessant, on arpente une terre qui, loin d’être hostile, paraît totalement fabriquée pour l’homme - et non par lui. Le chant ne se décide pas entre le Français et l’ Anglais, il prend les deux. Et ça marche.
Vous je ne sais pas ? Vous préférerez peut-être naviguer entre les îles des Cyclades en écoutant Dehors ? Libre à chacune et à chacun de randonner où il le souhaite grâce à l’album de Sarakiniko. Un objet aux accents new-wave, eighties dans ce qu’elles ont de plus solitaire et de néanmoins chaleureux. « Le feu en nous restera » (« Le Royaume »). Bravo pour le come-back et merci pour les flashbacks.